Michel Welter, directeur de la ferme des Mille vaches: «C’est le procès de trop»
Pour le directeur de la ferme-usine : "une vache n’a pas besoin d’aller pâturer"... Tout est dit !
Deux associations réclament, devant le tribunal, le droit de visiter la ferme dite des Mille vaches. Son directeur refuse et explique pourquoi.
Michel Welter est le directeur de la ferme dite des Mille vaches, qui a accueilli ses premiers animaux le 13 septembre 2014. Une ferme devenue, pour ses détracteurs, l’un des symboles de l’agro-industrie.
Michel Welter, que pensez-vous de cette énième procédure judiciaire à l’encontre de la ferme des Mille vaches ?
C’est le procès de trop, le plus dur humainement. Ce n’est pourtant pas le plus important par rapport à notre avenir… En un an, on a divisé par deux le taux de mortalité des veaux : il est passé de 25 % à 13 %. La moyenne nationale est de 15 %. On est meilleur que beaucoup de fermes, mais ces gens-là vont encore dire : « Vous vous rendez compte, des veaux meurent à la ferme des Mille vaches ! ». Oui, comme dans toutes les fermes de France. Dans la ferme de Laurent Pinatel (NDLR, porte-parole national de la Confédération paysanne, syndicat opposé aux Mille vaches), des veaux meurent aussi.
Pourquoi ne pas laisser ces deux associations visiter votre ferme ?
Elles veulent venir avec un expert soi-disant indépendant. En fait, c’est un expert à charge, qui sera tout sauf neutre. Imaginez qu’un veau meure le jour de la visite, comme cela arrive partout… Nous serions lynchés. Nous sommes dans un pays de droit. Nous répondons aux services de l’État et à la justice, pas aux associations. Depuis l’ouverture, nous avons été contrôlés bien plus que les autres élevages : sept ou huit fois, dont seulement deux ou trois contrôles programmés. Le dernier contrôle des services vétérinaires, qui date du 22 janvier, est conforme sur tous les critères.
Les opposants vous reprochent notamment le fait que vos vaches ne sortent jamais dans les prés. Que répondez-vous ?
Une vache n’a pas besoin d’aller pâturer. Elle a besoin de manger du fourrage. Or, dans les prés, la quantité et la qualité de l’herbe, qui dépendent des conditions climatiques, ne se rencontrent que sur une période très courte dans l’année. Dans notre région, où il n’y a plus de pâtures, d’ailleurs, il vaut mieux apporter l’herbe dans l’auge de la vache que d’amener la vache à la pâture. Dans les régions herbagères comme celle de la ferme de Laurent Pinatel, dans la Loire, c’est différent.
Que mangent vos vaches ?
Les trois quarts de leur nourriture, c’est de l’ensilage d’herbe, de maïs, que nous produisons nous-mêmes. Le quart restant, c’est du tourteau de soja, de colza et du corn gluten feed, un sous-produit du grain de maïs, que nous achetons.
Vous travaillez pour Michel Ramery, qui est à l’origine du projet des Mille vaches, depuis 2009. Avec le recul, referiez-vous la même chose ?
Avec Michel (Ramery), on se pose souvent la question… et on ne sait pas. C’est à la fois une aventure exceptionnelle, passionnante, fabuleuse, que je ne regrette pas d’avoir vécue, et une expérience très dure à vivre, un enfer. Je suis devenu une sorte de vedette locale, je suis reconnu dans la rue, je ne m’y attendais pas. Ma femme et mes filles ont énormément encaissé. Elles ont très mal vécu cette pression médiatique. Pendant ces années, je n’ai pas eu de vie privée. Les journalistes m’appelaient le week-end. Je commence seulement à comprendre ce que ma femme et mes filles ont subi, et je n’arriverai jamais à leur rendre le soutien qu’elles m’ont donné.
Que pensez-vous de vos adversaires ?
J’ai du respect pour Laurent Pinatel, même si nous ne sommes pas d’accord. Je suis totalement opposé aux moyens d’expression et de lutte de la Confédération paysanne, mais je respecte l’homme. En revanche, ceux d’en face, de Novissen, sont faux. Moi, je suis vrai. Ce que je dis, je le crois. Je me bats avec mes convictions.
Votre ferme menace-t-elle les petits paysans ?
Ce n’est pas la ferme des Mille vaches qui pose problème, c’est le fait que le prix du litre de lait n’a pas évolué en trente ans. Un petit paysan qui veut moderniser sa ferme est obligé d’augmenter sa production pour maintenir son revenu, car les coûts de production explosent et le prix du lait n’augmente pas. C’est le prix du lait qui force à devenir « gros ». Si on veut maintenir des fermes à 30 vaches avec des gens qui ont des revenus décents, il faut que le lait soit au minimum à 600 euros le mètre cube. Il paraît que 73 % des consommateurs français sont prêts à payer le prix. Alors, qu’ils achètent du lait cher, qu’ils laissent tomber le lait à bas prix !