SAGA- Ils se sont aimés le temps d'un tour­nage : Brigitte Bardot et Jean-Louis Trin­ti­gnant

Publié le par Ricard Bruno

SAGA- Ils se sont aimés le temps d'un tour­nage : Brigitte Bardot et Jean-Louis Trin­ti­gnant

Sous le nez du cinéaste Roger Vadim, qui tourne en 1956 Et Dieu créa la femme, son épouse Brigitte Bardot vit une passion torride avec le jeune premier de son film! 

C’est Vadim qui avait orga­nisé leur première rencontre. S’il faut l’en croire, peu enga­geante ! A peine Jean Louis Trin­ti­gnant s’était-il éloi­gné de portée de voix, que BB s’était excla­mée, boudeuse et dépi­tée « Il est tarte ! Je ne pour­rai jamais faire croire que je suis amou­reuse de ce type !» De son côté, Trin­ti­gnant – il l’avouera plus tard – pensait tout bas «c’est vrai­ment une petite conne».

Mal barré pour un couple censé jouer des scènes d’amour brûlantes! Mais Vadim avait insisté. De la passion, voilà ce qu’il atten­dait de ses deux acteurs. Une sensua­lité torride, que ça crève l’écran! Ce qui s’ap­pelle tenter le diable. Il allait être servi bien au-delà de ses espé­rances. Nous sommes à Saint-Tropez, en mai 1956, au début du tour­nage de Et Dieu créa la femme

A l’époque, le port varois n’est pas encore la Mecque de la jet set, c’est juste un petit eden sauvage et para­di­siaque, qui fleure bon le soleil du Sud, la brise de mer, la liberté. A l’image de Brigitte Bardot. La star­lette de 22 ans – qui a déjà tourné dans 16 films – vient encore d’af­fo­ler le Festi­val de Cannes. Son mari, Roger Plemian­ni­koff – dit Vadim – a de grandes ambi­tions pour elle.

A 28 ans, descen­dant du prince Igor Nico­lae­witch et de Gengis Khan, ce dandy juif ukrai­nien au style désin­volte veut faire de son premier film un hymne à la femme, sa femme. Il l’aime depuis sept ans, l’a épou­sée depuis quatre. Et il est bien placé pour savoir que cette jeune bour­geoise élevée au cœur du XVI ème, est une impul­sive, à la liberté radieuse et sans tabou, et qui n’a pas le tempé­ra­ment textile. Au cours de leur premier rendez-vous clan­des­tin dans un meublé, elle s’est mise nue à la fenêtre pour crier la joie de son dépu­ce­lage aux passants.

« En révolte contre le milieu et la morale de ses parents, douée pour l’amour sans l’avoir appris, capable d’hu­mour et d’un grand bon sens, elle avait tout du petit génie.» écrira t’il plus tard. Ado, Brigitte a tout tenté pour l’avoir. Allant jusqu'à braver le révol­ver brandi par Monsieur Bardot père contre le préten­dant slave ( «ma fille, épou­ser un saltim­banque ? jamais !»), ou tentant de se suici­der au gaz, la tête dans le four, quand on lui a inter­dit de le voir (sa sœur, Mija­nou, l’a retrou­vée dans le coma, in extre­mis).

Vadim est son premier homme, son Pygma­lion, qui a guidé ses premiers pas dans des comé­dies légères et sucrées. Un Pygma­lion qui, envoûté par la beauté magné­tique de sa jeune femme, pressent en elle une bombe sexuelle prête à explo­ser. Là, sous le soleil de Saint Tropez, exac­te­ment. Où Brigitte est chez elle. Pour les deux mois de tour­nage, le couple s’est installé à l’ho­tel de l’Aïoli, chambre 3 ( main­te­nant 25 ), à quelques pas de la Misé­ri­corde, la maison haute aux murs roses, rési­dence d’été des  parents de l’ac­trice, où elle vient passer ses vacances.

L’in­gé­nue a déjà commandé ses petites robes en Vichy rose chez Vachon sur le port, ses balle­rines de danseuse à Rose Repetto, le modèle Cendrillon, qu’elle porte délacé pour qu’on entre­voit la nais­sance des orteils. C’est plus sexy. Vadim a eu l’idée du scéna­rio en regar­dant Brigitte danser sauva­ge­ment dans une disco­thèque de Rome, la Casa del Orso, allu­mant tous les hommes à la ronde, ivre d’ani­ma­lité. Elle sera donc Juliette Hardy, une jeune orphe­line amou­reuse de deux frères,  et que cour­tise aussi un million­naire de la Riviera, Eric Carra­dine, un homme élégant et cynique.

Au dernier moment , Raoul Lévy, le produc­teur de Vadim, a eu l’idée de ce rôle confié à Curd Jurgens, déjà sacré star inter­na­tio­nale, pour conqué­rir une co-produc­tion en East­man­co­lor avec la Colum­bia. Dans le film, digne d’un roman de gare,  la belle Juliette est éprise d’An­toine, l’aîné des frères, un tombeur cynique – joué par Chris­tian Marquand – qui ne fait que coucher avec elle.

Mais c’est le cadet, Michel – inter­prété par Jean Louis Trin­ti­gnant – qu’elle épouse par dépit, touchée par la sincé­rité de sa passion. Dans la vie…­dans la vie, Cupi­don va darder ses flèches autre­ment ! Déjà marié à la future comé­dienne Stéphane Audran, Jean Louis Trin­ti­gnant, à vingt cinq ans,  est alors un jeune premier en pleine ascen­sion.

Mais il échappe aux stan­dards habi­tuels. Pas très grand, extrê­me­ment timide et réservé – « bloqué en dedans» dit-il lui même – son charme émane surtout de l’in­ten­sité et de la profon­deur de son jeu. Natif du Sud, il a dû travailler pour effa­cer son accent méri­dio­nal, mais ne se sent pas encore sûr de lui, blessé parfois par «l’étiquette de paysan» que lui collent certains critiques du Figaro. Bref, il  irra­die le mystère, la rete­nue. Et soudain, sa gauche­rie, un peu butée, émeut Brigitte. Mieux, la trouble. Dès la première semaine de tour­nage, dans la baie des Carou­biers, Vadim l’a bous­cu­lée, décoif­fée, en partie dénu­dée, en lui recom­man­dant de ne pas jouer, d’être elle-même, dans un total strip-tease physique et psycho­lo­gique («j’ac­cou­chais d’une star» dira-t’il pompeu­se­ment ).

Alors, elle donne tout. Avec l’amo­ra­lité inso­lente d’une Juliette qui ne possède que son corps – mais quel corps ! – et compte bien s’en servir. «  Cette fille là est faite pour perdre les hommes » se lamente Carra­dine. Habillée d’un rien, se désha­billant pour un rien, le cul mira­cu­leux, la démarche chalou­pée, enflam­mant tout sur son passage, les hommes, un bateau de pêche, la pelli­cule. Psal­mo­diant en robe four­reau rouge, le port solaire, «moi, j’m’en fous, j’m’en contre­fous !», la voix lascive,  en tour­nant autour du frère aîné pour atti­ser son désir et se faire culbu­ter sur un capot de bagnole. 

Ouvrant le drap dont elle s’est entou­rée pour offrir ses seins provo­cants au cadet -Trin­ti­gnant, donc – avec son phrasé nunuche, un brin aristo, à la douceur si traî­nante qu’elle invite à l’aban­don dans les draps. L’en­ivrant enfin de baisers qu’elle ne simule pas. Une vraie déesse de l’amour ! Et qui succombe. « A force d’être natu­relle dans mes scènes d’amour avec Jean Louis, racon­tera t’elle dans ses mémoires Initiales BB, je finis tout natu­rel­le­ment par l’ai­mer. J’éprou­vais pour lui une passion dévo­rante. Effacé, profond, atten­tif, sérieux, calme, puis­sant, timide, il était si diffé­rend, telle­ment mieux que moi !» Il aurait fallu être un saint de bois pour résis­ter ! Jean Louis Trin­ti­gnant s’éprend si bien qu’il en devient posses­sif, ne suppor­tant pas de la rendre la nuit aux caresses d’un autre.

Tandis que les amants pour­suivent hors champ leurs ébats, Vadim, trompé sous ses yeux et ses camé­ras, en est réduit à se conso­ler le soir, avec Chris­tian Marquand, à l’Esqui­nade, une disco­thèque où Françoise Sagan vien­dra fêter ses vingt et un ans, le jour de l’été. Auréo­lée du scan­dale de Bonjour Tris­tesse, elle offre au cinéaste le refuge – en tout bien tout honneur – de sa propre maison, un peu plus haut, rue des Pêcheurs. «Trin­ti­gnant jouait les amants tyran­niques, racon­tera Vadim. Il voulait une preuve d’amour, un sacri­fice, et menaça de ne plus revoir Brigitte si elle ne me quit­tait pas immé­dia­te­ment. J’avais peur du dernier jour, du dernier plan, de la dernière minute de tour­nage.

Peur de la perdre tout à fait. » Jalou­sies, cris et chucho­te­ments, fric­tions… Le tour­nage se pour­sui­vra sous haute tension. «J’ai connu des moments un peu pénibles avec Vadim, dira Trin­ti­gnant, parce qu’on a eu une «  passa­tion » de femme, voilà…Et je lui en ai un peu voulu. Après, quand je l’ai mieux connu, je me suis rendu compte que c’était un type merveilleux. Mais il était malheu­reux. On était rivaux. En plus, c’était lui qui avait fait BB, c’était sa chose, et elle lui a échappé.» Cette tension passion­nelle écla­tera dans toute sa splen­deur dans la scène du mambo torride que danse BB en final – une scène d’an­tho­lo­gie, qui traverse toutes les géné­ra­tions.

Embra­sée par son désir fou pour celui qu’elle appelle «  Jean Lou », Bardot y swingue en justau­corps noir, jupe débou­ton­née jusqu’à la taille, cuisses grandes ouvertes et pieds nus, atti­sant les musi­ciens cubains en se cares­sant, sur des rythmes lati­nos compo­sés par Paul Misraki. Avant de se prendre deux paires de gifles cinglantes par son mari ( Trin­ti­gnant ) qui vient d’ap­prendre ses couche­ries avec son propre frère. Ah ! les vertiges de l’amour… Celui-là, pour­tant, survi­vra encore près d’ un an au tour­nage. Rentrée à Paris, Brigitte quit­tera l’ap­par­te­ment où elle vivait avec Vadim pour ache­ter au 71, rue Paul Doumer un duplex avec terrasse, qui devien­dra son nid d’amour avec Trin­ti­gnant.

Mais dans la France prude et coin­cée de la IV ème Répu­blique, le divorce défraie encore la chro­nique,  la vie intime des deux amants s’étale dans les gazettes, un parfum de scan­dale flotte autour d’eux. A Noël, ils se réfu­gie­ront dans un caba­non sauvage, près de Cassis, pour y vivre une paren­thèse idyl­lique, seuls au monde. Ce sera la dernière.  «Je voudrais culti­ver Bri-Bri » disait Trin­ti­gnant. Il n’en aura pas le temps. Car la sortie du film Et Dieu créa la femme va les empor­ter dans une secousse tellu­rique. Brigitte croûle sous les propo­si­tions.

Pas de chance ! Le pauvre Trin­ti­gnant  appelé sous les drapeaux, se retrouve confiné à la morne vie des casernes, auprès de jeunes recrues gonflées de testo­sté­rone qui soudain phan­tasment sur son amou­reuse. Aux Etats Unis – Vadim avait vu juste ! – ce sera l’hys­té­rie. Très vite, le film dépasse au box office les Dix Comman­de­ments, les dollars pleuvent (4 millions), des évêques excom­mu­nient Bardot, les critiques la portent aux nues. En état de choc, la France, qui avait d’abord boudé le film, assiste à une fulgu­rante érec­tion plané­taire.

Le mythe BB (Bibi, disent les Améri­cains) est né. Et avec lui, l’avé­ne­ment de la liberté sexuelle de la femme. Loin de son Jean Lou, Brigitte enchaî­nera les films … et les amants ( dont Gilbert Bécaud ), jusqu’à ce qu’un jour, de guerre lasse, Trin­ti­gnant la quitte, en se réfu­giant chez les parents de Claude Berri, pour y soigner son chagrin. «J’ai aimé Jean Lou à la folie, écrira BB,  je l’ai­mais comme je n’ai peut-être plus jamais aimé, mais je ne le savais pas, j’étais trop jeune».

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