Brigitte Bardot, naissance d'un mythe

Publié le par Ricard Bruno

Brigitte Bardot en 1952, année de la transformation de la jeune mannequin en actrice.

Brigitte Bardot en 1952, année de la transformation de la jeune mannequin en actrice.

Le cinéma n’était pourtant pas son destin. Danseuse au Conservatoire de Paris, Brigitte Bardot est tombée dans le mannequinat dès l’adolescence. Sa moue boudeuse, sa silhouette féline et son regard effronté en font la mascotte des magazines de mode. Un coup de foudre amoureux va la propulser dans l’œil des caméras. 

« Elle n’est pas jolie, sa lèvre inférieure est trop grosse, elle a de gros yeux et une figure de boniche. » Ainsi parlait Paul Reboux, célébrité littéraire et critique gastronomique. En ces années 1950, les réseaux sociaux n’existent pas, mais on sent déjà poindre l’aigreur des frustrés. Féroce et vulgaire, le vieux monsieur n’a pourtant pas tout à fait tort. Bardot ne correspond pas aux critères de la beauté classique qui bannit les visages poupins. La mode est aux Lana Turner et Marilyn Monroe, le style blonde permanentée, posture de diva. Brigitte Bardot, ça n’est pas du tout cela. Plutôt une sorte de femme-enfant, pas encore fougueuse mais furieusement insolente. D’abord figé devant les objectifs des photographes, le mannequin manque un peu de métier. En redécouvrant les photos de ses débuts, on ne perçoit pas encore la foudroyante sensualité de cette jeune fille aux rondeurs discrètes.

Ce qui se dégage de ses postures sages et timides, c’est son éducation bourgeoise et catholique. Car Bardot est née dans une famille aisée, bel appartement de sept pièces avenue de La Bourdonnais, dans le VIIe arrondissement de Paris. Son père est ingénieur, P-DG de sa propre usine, les Établissements Bardot à Aubervilliers. Elle a une petite sœur, Mijanou, de quatre ans sa cadette, aussi blonde et claire que Brigitte est châtain aux yeux noisette. L’actrice dira plus tard qu’elle se sentait ingrate, mal-aimée, avec un appareil dentaire et une mère qui critique ses « baguettes de tambour » (ses cheveux raides). « J’ai tellement manqué d’amour dans mon enfance. » Il faut dire que la mère ne semble pas pétrie de tendresse pour ses deux filles. Quand, à 7 ans, l’aînée casse un vase précieux, la mère, furieuse, lui ordonne désormais de la vouvoyer, installant dès lors une distance. Si la famille illustre assez justement l’esprit conventionnel et borné, Mme Bardot a tout de même la bonne idée d’inscrire sa fille au cours de danse de Mme Bourget, rue Spontini. Une révélation. Brigitte se réconcilie avec son corps.

En juin 1952, pour sa deuxième couverture de Paris Match : « La nouvelle Leslie Caron », titre le magazine. À l’intérieur, un reportage à Louveciennes, la maison de campagne du clan Bardot.

En juin 1952, pour sa deuxième couverture de Paris Match : « La nouvelle Leslie Caron », titre le magazine. À l’intérieur, un reportage à Louveciennes, la maison de campagne du clan Bardot.

Naturellement, elle a la grâce. À tel point qu’à 14 ans, grâce aux relations de sa mère, bonne cliente des couturiers, elle présente en tutu les chapeaux de Jean Barthet. Au défilé, elle « danse » chaque modèle. Dans le salon capitonné, quelques journalistes côtoient les clientes. La rédactrice en chef de l’hebdomadaire « Jardin des modes » la remarque immédiatement et demande à sa mère l’autorisation de la photographier pour sa une. Hésitation… Dans ce milieu, « cover girl » sonne un peu comme « call girl ». Quand le journal sort, c’est Hélène Lazareff à « Elle » qui la réclame afin d’incarner en couverture « la nouvelle génération ». Les parents acceptent « à condition qu’elle ne soit pas payée et que notre nom n’apparaisse pas ». La ravissante adolescente de 16 ans sera donc « BB ». Le magazine se vend très bien, la jeune fille commence à intéresser les rédactrices et les photographes de mode. C’est le début de ce qu’on n’appelle pas encore le prêt-à-porter mais la confection, c’est-à-dire des vêtements fabriqués industriellement. Brigitte pose aussi bien en jupe crayon, ballerines et chemisier boutonné qu’en robe de bal, épaules dégagées, de chez Jacques Heim ou Pierre Balmain. Les longueurs cachent le genou et les cheveux sont domptés en chignon.

Lors d'une réception, Gary Cooper, Kirk Douglas, Walt Disney tombent sous son charme juvénile et gracieux

C’est alors que le cinéma va faire irruption dans sa vie. Roger Vadim, l’assistant de Marc Allégret, la repère. Il la contacte et lui fait passer un essai pour le casting des « Lauriers sont coupés ». Catastrophe. Son élocution mécanique et sa voix enfantine ne plaisent pas du tout au maestro, qui la recale. De toute façon, le film ne se fera pas ; mais les deux jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre. Brigitte a 16 ans, doit passer son bac (qu’elle n’aura pas le temps de décrocher) et se heurte à l’opposition farouche de ses parents qui lui interdisent de revoir « ce saltimbanque ». Elle est désespérée et fait une tentative de suicide un soir en leur absence en ouvrant le robinet du gaz dans la cuisine. La mère, saisie d’une intuition, revient sur ses pas et trouve sa fille inanimée. L’affaire est sérieuse. Les parents réfléchissent… Et vont célébrer le mariage – très bourgeois – à ses 18 ans.

 

Entre photos de mode et petits rôles, BB réussit, grâce à Vadim, à se faire inviter au Festival de Cannes où elle joue les starlettes sur la plage. Elle va même bluffer le gratin américain par son sex-appeal lors d’une réception sur le porte-avions « USS Midway ». Gary Cooper, Kirk Douglas, Walt Disney tombent sous son charme juvénile et gracieux. Ensuite, l’ouragan « Et Dieu… créa la femme », tourné à Saint-Tropez avec trois francs six sous, va déferler sur la planète. Et sonner le glas du « wonder couple » : partenaires à l’écran, Brigitte et Jean-Louis Trintignant tombent amoureux… sous les yeux du mari metteur en scène ! C’est, pour Bardot, le début d’une gloire qui ne la lâchera plus. Elle a imposé son naturel à l’écran et libéré une jeunesse qui n’attendait qu’elle.

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