Dans l’ombre de l’épopée du septième art
Si l'épopée cinématographique de Brigitte
Bardot est célèbre, sa carrière de chanteuse est beaucoup moins connue. Elle débute en février 1962 avec le super 45 tours "Sidonie", extrait du film Vie Privée où elle chante ce poème de Charles Cros sur une musique de Jean-Max Rivière et Yanis Spanos en s'accompagnant à la guitare, instrument qu'elle a déjà
utilisé en 1958 dans La femme et le pantin. "Sidonie" est sa première véritable chanson enregistrée sur disque, bien qu'une version ait déjà été
éditée au printemps 1961 sur disque souple dans le magazine Sonorama. Dès ce morceau, B.B. impose sa façon si caractéristique de chanter. Les
trois autres thèmes de ce premier EP publié par Barclay sont des instrumentaux. Ce premier pas discographique a été précédé le 1er janvier 1962 par le show TV de François Chatel « Bonne
Année Brigitte » où elle interprète quatre titres. Le 1er janvier 1963, elle récidive avec « A Vos Souhaits », cette fois sous la direction de Jean-Christophe Averty, en compagnie du regretté
Olivier Despax.
DES CHANSONS SIGNEES RIVIERE, BOURGEOIS ET …GAINSBOURG
BRIGITTE BARDOT a signé chez Philips qui
publie son premier 33 tours 25 cm sur lequel elle pose en collant noir et pull rose. Le disque s'ouvre sur le génial l'"Appareil à sous" de Serge Gainsbourg, où il excelle dans le
double sens : « Tu n'es qu'un appareil à sou... pir / Un appareil à sou... rire ». B.B. affectionne aussi les thèmes jazzy comme les "Amis de la musique". "Everbody Loves my Baby" et
"C'est Rigolo" sous la direction du pianiste Claude Bolling. Après "Sidonie", "La Madrague " est également due à Jean-Max Rivière pour la musique, cette fois sur un texte de Gérard Bourgeois. Tous deux vont devenir, avec Serge Gainsbourg, ses auteurs préférés. "El Cuchipe" fait la part belle aux rythmes sud-américains que
B.B. apprécie beaucoup. Elle est accompagnée ici par l'orchestre Los Colombianos, avec Narcisso Debourg et Pedro Serrano. Enfin "Invitango"et "Pas Davantage" complètent ce 25 cm dont les huit morceaux sont repris sur son premier album 30 cm. Ce disque présente donc en plus les quatre
inédits "Je me donne à qui me plaît" de Gainsbourg, "Rose d'Eau" de Rivière et Bourgeois, "Noir & Blanc" et "Faite pour dormir" de Bolling et Rivière. Ce LP est distribué d'une part en édition de luxe, avec un poster et de nombreuses
photos en studio ou tirées de ses shows TV, et d'autre part dans un tirage courant. Trois autres chansons ont été enregistrées lors des séances de fin 1962 : "Tiens ! C'est toi" (en duo avec
Jean-Max Rivière). "La Leçon de Guitare" (avec Olivier Despax) et "La Belle et le Blues". Comme le marché est alors principalement dominé par le 45 tours, deux EP sont extraits de l'album. Grâce
à ce disque, la voix unique de B.B. peut s'exprimer tout à loisir au cours de ces douze titres qui sont aussi édités aux Etats-Unis sur le très rare LP Brigitte Bardot Sings, avec un portrait de profil, ses cheveux blonds, relevés en chignon.
ENTRE MELANCOLIE ET HUMOUR
Début 1964, Brigitte Bardot
retourne en studio pour réaliser chez Philips son deuxième 33 tours baptisé B.B. avec un gros
plan de son visage en partie dissimulé par ses longs cheveux blonds. Après Claude Bolling, Alain
Goraguer (également arrangeur de Serge Gainsbourg et France Gall) s'occupe à son tour des orchestrations des chansons dont la plupart ont été composées par
Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois. "Ca pourrait changer", "A la fin de l'été", "Je danse donc je suis" et "Jamais trois sans quatre" sont tout d'abord commercialisés en EP, avant d'être
regroupés sur l'album en question avec "Une histoire de plage", "Ne me laisse pas l'aimer ",
"Maria Ninguem", "Les cheveux dans le vent" (qui feront l'objet d'un autre Super 45 tours). "Moi je joue", "Mélanie", "Ciel de lit" et "Un jour comme un autre" (qui auront également droit à une
édition en EP). La couleur musicale de ce disque est partagée entre mélancolie ("Une histoire de plage", "A la fin de l'été", "Un jour comme un autre", "Mélanie") et humour ("Ca pourrait
changer", "Je danse donc je suis", "Moi je joue", "Ciel de lit", "Les cheveux dans le vent").
Puis 1965 marque la rencontre des deux actrices stars des sixties françaises Brigitte Bardot et
Jeanne Moreau dans le film de Louis Malle Viva
Maria.
Il en résulte un album et un Super 45 tours de la bande originale sur lequel elles chantent "Ah ! Les P'tites Femmes (de Paris)" et en espagnol, "Maria, Maria". Entre-temps, pour l'été 1965, B.B.
a profité d'un passage à Paris pour réaliser un nouvel EP inédit avec "Bubble Gum" et "Les Omnibus", deux réussites signées Serge Gainsbourg. Ce disque est complété de "Je manque d'adjectifs", d'André Popp et Jean-Claude Massoulier, et "Les Hommes endormis", de Monique Aldebert. Enfin,
en décembre, Brigitte arrive à New York pour la promotion du film Viva Maria. La conférence de presse a lieu devant six cents journalistes avec
une B.B. resplendissante en mini-jupe jaune. A Los Angeles, elle enregistre le célèbre « Ed Sullivan Show » qui est diffusé pour la nouvelle année 1966.
LES CHEFS D’OEUVRES DE GAINSBOURG
Parallèlement à son mariage avec Gunter Sachs, le 14 juillet 1966, Brigitte Bardot quitte Philips pour Disc'Az qui publie son nouvel EP. Celui-ci comprend le langoureux
"Le Soleil", le sautillant "On déménage" et deux autres chansons rythmées. "Gang Gang" et "Je reviendrai toujours vers toi", toutes signées Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois, sur des
orchestrations de Charles Blackwell, arrangeur de Françoise Hardy, notamment.
B.B. attend ensuite plus d'un an avant de revenir à la chanson en décembre 1967 lors de l'émission TV « Bardot Show », en compagnie de Sacha Distel, Manitas de Plata et surtout Serge Gainsbourg. Ce dernier lui a composé pour l'occasion les chefs d'œuvres "Harley Davidson " et "Bonnie and Clyde ". "Harley Davidson " permet à Brigitte, en
mini-jupe de cuir noir, de créer un hymne sexuel au dieu Moto des plus efficaces. Dans "Comic
Strip ", en collant rose et perruque noire, elle évolue dans ce thème de BD aux côtés de Gainsbourg. "Le diable est anglais" nous la montre dans Carnaby Street, avant de la
retrouver dans "Bubble Gum", un titre de 1965 de Serge, en compagnie de Claude Brasseur. "Ce n'est pas vrai" voit Brigitte se dédoubler grâce à un remarquable effet technique. Après "La belle
vie", de Sacha Distel, B.B. revient avec son classique "La Madrague", vantant son amour de Saint-Tropez,
Brigitte et Sacha, avec Serge à la guitare, jouent ensuite les hippies dans l'inédit "La bise aux hippies". Elle enchaîne avec "Je reviendrai toujours vers toi" et "Un jour comme un autre", deux
titres de 1964 et 1965, respectivement. Dans "Contact " on découvre une Brigitte Bardot intersidérale sur ce nouveau thème de Serge Gainsbourg. Après une séance de pose avec David Bailey, Brigitte et Serge sont de retour dans le
duo machiavélique "Bonnie and Clyde ", inspiré du film du même nom. Enfin le « Bardot Show »
s'achève sur un rythme de charleston avec "Everybody loves my baby", tiré de son premier album Philips
de 1963.
LE SCANDALE AURAIT PU ARRIVER
Philips en profite pour éditer début 1968 l'album Spécial Show avec
Brigitte Bardot et Serge Gainsbourg. A l'exception du duo "Bonnie and Clyde ",
les autres morceaux de B.B. sont anciens. Il s'agit de "Bubble Gum", "Un jour comme un autre", "La
Madrague" et "Everybody loves my baby". Les autres titres sont interprétés par Gainsbourg : "Comic Strip " (où dans la version anglaise les onomatopées sont dues à Brigitte). "Pauvre Lola ", "L'Eau à la bouche", "La Javanaise ",
"Intoxicated Man ", "Baudelaire " et "Docteur Jekyll and Mister Hyde". Un EP, avec la même pochette que le LP montrant Brigitte et Serge en Bonnie Parker et Clyde Barrow, est
également édité avec "Bonnie and Clyde ", "Bubble Gum" et "Comic Strip ". Malheureusement cet album tout comme le show TV, est amputé de la chanson par qui le
scandale aurait pu arriver, le torride "Je t'aime... moi non plus", un duo des plus érotique entre Brigitte et Serge qu'à sa demande il accepte alors de ne pas publier. "Je t'aime... moi non
plus" sortira en 1969 dans une nouvelle version enregistrée par Jane Birkin et Serge Gainsbourg avec le succès que l'on sait. Ce n'est qu'en 1986 que le duo sulfureux
Bardot-Gainsbourg "Je t'aime... moi non plus" sera enfin commercialisé par Philips, couplé à une version remixée de "Bonnie and Clyde ".
L’EROTISME DE BB. PORTEA SON SUMMUM
De son côté Disc'Az distribue, début 1968, l'album de la bande originale du « Brigitte Bardot Show », enrobée dans une
magnifique pochette où B.B. pose nue sous l'objectif de Sam Lévin, mais astucieusement enveloppée de papier kraft pour ne rien dévoiler de ses charmes. On y retrouve les quatre chansons déjà
publiées en super 45 tours. "Gang Gang", "Je reviendrai toujours vers toi", "On déménage" et "Mister Sun", version anglaise de "Le soleil", plus l'hispanisant "Ay ! que viva la sangria", le
subtil "Ce n'est pas vrai", le rigolo "Oh ! qu'il est vilain", le pop "Le diable est anglais" et surtout les deux titres de son nouveau simple, "Harley Davidson " et "Contact ". Ces deux derniers morceaux sont dus à Serge
Gainsbourg alors que les autres sont des compositions de Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois. Cinq thèmes instrumentaux de Francis Lai complètent cet excellent disque de Brigitte
: "Marseillaise générique", "Saint-Tropez", "Port Grimaud", "Paris" et "Davis B.". Le 45 tours "Harley
Davidson " / "Contact " permet de mettre en pleine lumière, tant côté pochette
que chansons, l'érotisme de B.B. porté à son summum. A la télévision on peut voir Brigitte interpréter avec succès deux des titres de l'album : "Ay ! que viva la sangria" et "Oh ! qu'il est
vilain" dont le caractère amusant passe mieux auprès du public que les trépidations suggestives de sa machine dans "Harley Davidson " qui choquent alors les bonnes âmes. Ces deux thèmes font d'ailleurs l'objet d'un nouveau EP, à la pochette dérivée de celle du LP « Brigitte
Bardot Show », incluant également "Ce n'est pas vrai" et "Le diable est anglais".
Le phénomène B.B. est alors tel qu'aux Etats-Unis, la chaîne NBC retransmet en décembre 1968 le
« Bardot Show ». A cette occasion, un album promo ultrarare, intitulé Burlington Special Bardot est pressé aux USA, avec "Bubble Gum", "La Madrague ", "The good life" (par Sacha Distel), "Comic Strip " (en anglais avec Serge Gainsbourg), "Mister Sun", "Je reviendrai toujours vers toi", "La
bise aux hippies" (avec Distel), "Un jour comme un autre", "Bonnie and Clyde " (avec
Gainsbourg) et "Everybody loves my baby".
DES DISQUES RARES
B.B. est de retour chez Philips, début 1969, avec le très rare simple "La fille de paille" / "Je voudrais perdre la mémoire"
qui propose deux morceaux composés par Gérard Lenorman. Début 1970, elle revient de nouveau à la chanson en signant chez Barclay, bouclant la boucle amorcée en 1962 avec "Sidonie". Cette fois,
sous la direction de François Bernheim, elle enregistre le hit "Tu veux ou tu veux pas", version française du tube brésilien "Nem vem que nas tem", également chanté par Marcel Zanini et adapté
par Pierre Cour, François Bernheim et Yves Roze (alias Jean-François Michaël) lui offrent "John and Michaël" qui renoue avec son côté provocant, et Guy Bontempelli "Depuis que tu m'as quittée".
Enfin, Darry Cowl apporte sa collaboration au dernier titre, "Mon léopard et moi", de ce super 45 tours, relativement rare, qui donne aussi lieu à deux simples. Puis, B.B. grave le single "Nue au
soleil" / "C'est une bossa nova", deux autres titres fidèles à son image mais qui ne rencontrent guère de succès.
TOUTES LES BETES SONT A AIMER
En 1971, Brigitte Bardot se
rattrape, au cinéma, en chantant de nouveau dans le film Les novices, où elle interprète avec Annie Girardot "Chacun son homme", et dans
Boulevard du Rhum où elle chante "Sur le boulevard du Rhum" et reprend avec Guy Marchand Plaisir d'amour. En 1972, un nouveau 45 tours enregistré avec Laurent Vergez propose "Vous ma lady", reprise de "You're a lady" de Peter Skellern,
adaptée avec succès par Hugues Aufray, tandis que "Tu es venu mon amour" est une composition de
Eddie Barclay, Eddy Marnay et Raymond Le Sénéchal. Les douze chansons Barclay sont parues plus tard sur la compilation Le Disque d'Or, de
"Sidonie" à "Vous ma lady", en passant par "Tu veux ou tu veux pas", "Nue au soleil", "Chacun son homme" et "Plaisir d'amour".
En 1973, Brigitte Bardot retrouve Sacha Distel avec qui elle chante en duo "Le soleil de ma vie"
d'après "You are the sunshine of my life" de Stevie Wonder. Le succès est au rendez-vous et
Maritie et Gilbert Carpentier lui consacrent la même année un « Top à Brigitte Bardot ». Puis B.B. abandonne définitivement cinéma et chanson pour se dévouer à la cause des animaux.
C'est d'ailleurs pour eux, en 1982, qu'elle grave son dernier disque, "Toutes les bêtes sont à aimer" / "La chasse". Aussi c'est avec un plaisir certain que l'on se délecte de la voix sensuelle
et inimitable de Brigitte Bardot à l'écoute de ce triple CD retraçant avec passion les grands
moments de sa carrière d'interprète qui appartient pour toujours à la légende de la chanson. Comme de juste, la conclusion revient à Serge Gainsbourg avec cette citation au dos du LP Spécial Show : « Ces titres de Brigitte et de moi sont
autant de chansons d'amour. Amour combat, amour passion, amour physique, amour fiction. Amorales ou immorales peu importe, elles sont toutes d'une absolue sincérité. » on découvre une Brigitte Bardot intersidérale sur ce nouveau thème de Serge Gainsbourg. Après une séance de pose avec David Bailey, Brigitte et Serge sont de retour dans le
duo machiavélique "Bonnie and Clyde ", inspiré du film du même nom. Enfin le « Bardot Show »
s'achève sur un rythme de charleston avec "Everybody loves my baby", tiré de son premier album Philips
de 1963.
Bruno Ricard