Brigitte Bardot a eu 75 ans le 28 septembre, la veille de l'ouverture de cette exposition à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) dont le commissaire,
Henry-Jean Servat, justifie
l'existence par le fait qu'elle est
"un mythe absolu", qu'elle
"donna des modèles de comportement". Servat est subjugué par cette femme
"décapante". Que son idole ait pu
écrire ou dire des choses qui ont choqué ne le choque pas.
"Elle n'en finit pas d'apporter sur la terre la compassion, dit-il.
Ses combats valent mieux que tous les discours
du monde." Soit ! Truffée de photos d'animaux, la dernière salle est consacrée à la
Fondation Brigitte Bardot.
Est-il nécessaire d'aduler à ce point BB pour apprécier le parcours proposé sur près de 1 000 m2, et auquel font honneur quelque 500 visiteurs quotidiens ? Non. Celle que le général de
Gaulle considéra comme "une jeune personne de bon aloi" et Françoise Sagan comme un objet contribua, il est vrai, à changer des moeurs.
Le visiteur suit la stupéfiante métamorphose d'une gamine qui, élevée dans une "bonne famille" de droite, symbolisa l'émancipation féminine, un nouvel érotisme, une révolution sexuelle,
"seins au vent, fesses à l'air", avant de rétrograder de la modernité flamboyante aux humeurs réactionnaires.
Titrée "Les années insouciance", l'exposition est gorgée de photographies signées Sam Levin, Richard Avedon, Robert Doisneau, Harcourt... Il y a aussi des couvertures de magazines (Le Jardin des modes, Elle, Paris Match, etc.), des tableaux
(Carzou, Aslan, Kiffer, Leonor
Fini ou, rarement vue, la toile de Van Dongen). Des objets divers et fétiches sont là : robes, Harley-Davidson, porte-jarretelles de Viva Maria ! (1965, Louis Malle), guitare, partition de La
Madrague, de Claude
Bolling. Des écrans diffusent des extraits de films, montages de baisers, documentaires, émissions télévisées, clips.
L'exposition impose d'emblée l'image d'une star qui provoque folies, polémiques, censure. La voilà drapée nue dans le drapeau français, puis suscitant l'hystérie lors de son arrivée au Festival de Cannes en 1967,
qu'elle avait snobé dix ans plut tôt. Un mur évoque ses apparitions dans La Bride sur le cou (1961, Roger Vadim), où elle est revêtue d'une combinaison
chair moulante, et dans Les Novices (1970, Guy Casaril), où elle interprète une religieuse qui se dévêt entièrement sur une plage. Un mur rappelle que, en 1958, à l'Exposition universelle de Bruxelles
où il tient pavillon, le Vatican la choisit pour incarner le péché absolu, à cause de son strip-tease (bien inoffensif) dans En effeuillant la marguerite (1956, Marc Allégret).
Deux sérigraphies d'Andy
Warhol illustrent la "bardolâtrie". Un panneau rappelle que, en 1967, reçue à l'Elysée, elle arrive en costume pantalon à brandebourgs militaires, chevelure dénouée. Cette
énergumène sort de la France de
René Coty, ses couples louis-philippards, ses femmes à corset. Brigitte Bardot ? Des tutus et chaussons de danse Repetto, un missel de première communion, des lunettes, un
appareil dentaire.
Elle veut faire du cinéma à 18 ans, en dépit des réticences de son père, et avec l'appui du grand-père : "Toutes les actrices ne deviennent pas nécessairement des femmes de mauvaise
vie." Voilà Vadim,
Et Dieu... créa la femme (1956), la sentence du pygmalion : "Tu seras le fantasme inaccessible de tous les hommes mariés."
De salle en salle, BB change de visage. Elle est pin-up en robe vichy rose et blanc et choucroute. Elle fait de la publicité pour un Solex, une boisson pétillante, une robe, une bière, un
pantalon, une auto, un parfum, un savon. Elle chante (Coquillages et crustacés). Bardot c'est une liberté, une voix, un rire, dont l'exposition fait entendre les échos sonores. Un corps,
bien sûr, que Godard transforme en blason : "Elle a fait un bon film, Et Dieu créa la femme ; Le Mépris sera son deuxième."
Il y eut une BB attitude, et l'exposition montre comment s'incarne ce culte dans la création populaire. L'ensemble est un bazar très kitsch, qui souligne combien la mode change, et comment se
dégrade une notoriété.
Cinquante ans plus tard, face au panneau publicitaire du film de Michel Boisrond Voulez-vous danser avec moi ? (1959), on s'interroge.
Brigitte Bardot. "Les
Années insouciance". Espace
Landowski, 26, avenue André-Morizet, Boulogne-Billancourt. Mo Marcel-Sembat, Boulogne-Jean-Jaurès. Jusqu'au 31 janvier 2010. Du lundi au dimanche, de 11 heures à 19 h 30 (fermeture des caisses à 18h00). 11 €. Rétrospective de films au cinéma Landowski, même adresse.
www.cinemaboulogne.com
Source : http://www.lemonde.fr/cinema/article/2009/10/13/a-boulogne-billancourt-les-metamorphoses-du-mythe-brigitte-bardot-dans-un-bazar-tres-kitsch_1253379_3476.html