À l’occasion des 75 ans de Brigitte Bardot, la mairie de Boulogne (Hauts-de-Seine) organise une exposition consacrée à la Française la plus connue au monde. Entretien.
Retirée depuis des années du cinéma, qui l’a révélée, Brigitte Bardot n’a jamais cessé, depuis, de faire parler d’elle – surtout dans le cadre de son combat pour les animaux. Et, à travers lui,
de la force de ses engagements et de ses convictions, parfois si “politiquement incorrects” qu’ils lui ont valu quelques procès et même des accusations de “racisme”. Chez elle, dans sa maison de
La Madrague, à Saint-Tropez, des centaines de lettres venues de tous les pays continuent de lui parvenir chaque jour. Admirée ou décriée, peu lui importe : c’est en femme libre et passionnée, en
rebelle peu soucieuse de plaire, et surtout de complaire, qu’elle se confie.Sur le cinéma, les animaux, la politique, la vie… Décapant !
Avoir, de son vivant, une exposition consacrée à sa vie, à sa personne, cela inspire quels sentiments ? C’est bizarre, un peu comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre que moi.
C’est tellement inattendu, extraordinaire ! J’ai perdu l’habitude d’être à ce point mise en valeur.
À 75 ans, quel regard portez-vous sur la vie ? Avez-vous des regrets ou encore des rêves ? Je n’ai aucun regret, j’ai eu une vie fabuleuse et rare que j’ai menée avec courage et
détermination, étant toujours responsable de moi-même – pour le meilleur et pour le pire. J’ai essayé de réussir ce que j’entreprenais malgré les embûches et les épreuves, j’ai une volonté de fer
dans un physique de velours ! Il m’arrive de craquer par épuisement et par lassitude mais je reprends toujours le dessus. J’ai eu des rêves, je les ai réalisés dans l’ensemble. J’ai eu aussi des
cauchemars et d’épouvantables déceptions que j’ai assumées.
Du cinéma, quels bons moments conservez-vous ? Avez-vous gardé des amis dans ce milieu, l’avez-vous aimé ? Le cinéma a été un marchepied fabuleux. Il m’a permis d’avoir une
popularité suffisante pour mettre en oeuvre mon engagement pour les animaux. Je suis fière d’avoir réussi cette première partie de ma vie, qui ne m’a pas comblée. Il me manquait quelque chose :
une vérité, une intégrité, une profondeur, que j’ai trouvées enfin auprès des animaux, en me battant pour eux, en étant le porteparole de ceux qui sont sans voix et tellement exploités par les
humains.
Quel est celui de vos films que vous préférez et quel rôle auriez-vous aimé jouer ? J’aime la Vérité,En cas de malheur, Et Dieu… créa la femme,Vie privée, Viva Maria !, l’Ours et
la Poupée. J’aurais aimé jouer Belle du Seigneur…
Quel regard portez-vous sur le cinéma d’aujourd’hui ? Aucun, car les films n’ont souvent aucun intérêt. Les acteurs sont généralement privés de bons scénarios, de bons dialogues
! Dommage !
Comment avez-vous vécu et vivez-vous aujourd’hui l’accusation de “racisme” reprise encore parfois par certains médias ? Le mot “raciste” m’horripile ! On me traite de raciste à
tout bout de champ parce que je me bats contre les abattages rituels d’animaux égorgés en pleine conscience dans des conditions d’épouvante à frémir ! Il faut l’avoir vu pour éprouver la révolte
qui me taraude depuis vingt-huit ans ! Alors qu’il serait si humain d’appliquer la loi française d’étourdissement par électronarcose des animaux avant la saignée.
En ce qui concerne les hommes politiques, quels sont ceux qui vous ont surprise, déçue ou ravie. Comment percevez-vous aujourd’hui le monde politique ? Ravie : aucun. Déçue :
tous. Surprise : la totalité par leur incompétence ! Je suis écoeurée par la politique.
Vous y avez pourtant quelques amis ? La politique m’écoeure et tous ceux qui en font partie aussi !
Y a-t-il des personnalités contemporaines ou du XXe siècle (écrivains…) que vous admirez ? J’admire les grands musiciens, les interprètes fabuleux de musique classique, les chefs
d’orchestre. J’admire les astronautes, leur courage de nous faire découvrir un monde stupéfiant, terrifiant, si lointain du nôtre ! Comme la Terre est belle et calme, nous devons en prendre soin.
J’aime certains écrivains contemporains comme Bernard Clavel qui, comme moi, a refusé la Légion d’honneur, estimant qu’il y avait plus d’honneur à ne pas l’avoir qu’à l’avoir tant elle est
galvaudée.
La beauté pour vous, c’est quoi ? La beauté, c’est le reflet qu’un homme donne de vous !
Vous vous êtes consacrée toute votre vie à la défense des animaux. Avec les bébés phoques, vous avez été en quelque sorte à l’avant-garde des écologistes qui défendent la planète. Votre
sentiment sur ce combat ? Votre opinion sur les écologistes d’aujourd’hui ? J’ai attendu trente-trois ans avant d’obtenir enfin un résultat pour mon combat contre l’assassinat des
phoques au Canada. J’y ai mis tout mon coeur, toute mon énergie, toute ma volonté. Ce fut mon premier combat, donc le plus important. L’épreuve fut terrifiante mais je n’ai jamais lâché, baissé
les bras, et pourtant… que de larmes, que de désespoir, que de lassitude et d’écoeurements j’ai ressentis ! Quant aux écologistes, ils me font bien rigoler. Ils ne parlent jamais d’écologie,
jamais de la destruction des forêts, jamais de la disparition quotidienne des espèces d’animaux, jamais de la nature dans son ensemble. Ils sont plus politiques que les politiques ! Quel leurre !
Dans un livre qui vient de paraître sur vous, l’auteur vous cite : “Le pire, c’est de ne jamais avoir de repos.” L’avez-vous enfin trouvé, ce repos ? Non, je ne l’ai jamais
trouvé et je ne suis pas près de le trouver… À mon avis, on le trouve dans la tombe et pour toujours.
“Même quand j’étais avec un homme, il n’y avait pas d’homme dans ma vie et je portais la culotte. […] Je crois bien que, ma vie durant, j’ai été l’homme de ma vie”, avez-vous déclaré en 2003.
Selon vous, est-ce le cas de beaucoup de femmes ? Auriez-vous souhaité qu’il n’en soit pas ainsi ? Je ne sais pas ce que pensent les femmes, chacun est responsable de ses actes. En ce qui me
concerne, j’ai toujours assumé ma vie matérielle, morale. J’ai toujours eu le courage de mes opinions et j’ai été seule à affronter les adversités de la vie.
Depuis vos 20 ans, vous êtes confrontée à la médisance et à la jalousie. Vous avez beaucoup souffert de la méchanceté humaine et, vous-même, n’êtes-vous donc pas devenue trop agressive
? Oui, je suis révoltée et souvent agressive, mais ne l’a-t-on pas été vis-à-vis de moi ? Et puis, ma colère est toujours pour défendre les animaux contre l’indifférence et la bêtise
humaine, alors je sors mes griffes sans complexe.
La France d’aujourd’hui, le monde d’aujourd’hui, comment le regardez-vous ? À vos débuts, vous avez connu des critiques venant de l’Église, notamment. Désormais, la nudité et le
sexe ont envahi journaux et écrans. Avez-vous un avis sur ce phénomène ? Le monde d’aujourd’hui est un monde de mutations, un monde de destructions, un monde sale et triste, un monde de guerres,
un monde sans valeurs morales, un monde de fric,de drogue et de perversités. Je n’en fais plus partie, je m’en protège et je m’en méfie. Il y a trop de cul et de nudité, ça finit par être aussi
écoeurant qu’un étal de boucherie. Un peu de mystère est plus excitant que ce déballage.
Êtes-vous croyante ? Je suis très croyante en la petite Vierge, je ne vais jamais à la messe, je discute direct avec elle.
Si vous aviez un message à transmettre aux générations futures, quel serait-il ? La vie est telle qu’on la fait. Il faut du courage pour vivre car les épreuves sont constantes.
Il faut profiter des bons moments, ne jamais avoir de regrets ni de remords, se tenir droit et avoir l’insolence d’être soi-même.
Source :
http://www.valeursactuelles.com/node/14935