Dans un entretien exclusif accordé à TV Magazine, Brigitte Bardot, à fleur de peau, nous livre les clefs d'un livre pour lequel
elle a accepté d'ouvrir ses archives personnelles. La face cachée d'un mythe qui a fêté son soixante-quinzième anniversaire le 28 septembre.
Ce livre est un portrait signé par un autre. Permet-il d'aller plus loin dans la découverte de Brigitte Bardot ?
Effectivement, dans ce livre d'Emmanuel Bonini, il y a une part de ma vie privée profonde qui est dévoilée, car je n'aime pas parler de moi et des choses qui me sont secrètes. Et je pense que
l'on ne doit pas se mettre en avant avec les combats que l'on mène.
On a l'impression que vous vous êtes engagée dans la défense des animaux pour retrouver une forme de vérité qui avait disparu
durant votre existence de star...
Oui, j'avais besoin de quelque chose de plus authentique, de plus profond et de plus vrai. Le monde du cinéma, avec sa superficialité, ne me l'apportait pas, car tout est faux : les sentiments,
les décors, les histoires... En fin de compte, tout cela ne me plaisait pas trop et ne correspondait pas à ce que j'aurais aimé ressentir ou faire ressentir aux autres.
Quand vous en êtes-vous rendu compte ?
Durant le tournage de mon dernier film, L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise (1973), où je me suis trouvée grotesque. Sur le plateau, j'ai racheté une petite chèvre
qui était promise à un méchoui et j'ai abandonné le cinéma. C'était le même jour.
Michel Serrault, cité dans le livre, vous avait rendu un très bel hommage en affirmant que vous étiez une grande
comédienne...
Il était gentil, mais je ne pense pas avoir été une grande comédienne. Simplement, je ressentais profondément les émotions jusqu'au bout, tout ce qui se passait autour de moi, le meilleur comme
le pire. Pour cette raison, après le film La Vérité,d'Henri-Georges Clouzot, j'avais tenté de me suicider comme l'héroïne que j'avais incarnée, en m'ouvrant les veines et en absorbant des
médicaments. Miraculée, je suis restée très longtemps dans une clinique à Nice. Je m'étais investie dans ce personnage comme je le faisais d'ailleurs dans tous mes rôles. Ainsi, il m'arrivait
aussi de tomber vraiment amoureuse de mes partenaires.
Le livre suggère que la gloire a tué quelque chose en vous. Quoi au juste ?
« La gloire est le deuil éclatant du bonheur », a écrit Mme de Staël. Cette phrase est à la fois terrible et sublime, parce qu'elle est vraie.
Pourtant, vous avez dit que tout ce que vous avez réussi pour les animaux, vous le deviez précisément à cette gloire...
Absolument. Cette célébrité exceptionnelle, formidable ne m'a pas comblée, mais elle fut un marchepied très important pour la suite de ma vie. Et, même en étant Brigitte Bardot, j'ai un mal de
chien à me faire entendre ou à faire évoluer les choses.
Pourquoi n'avez-vous pas été comblée ?
Je n'ai pas vraiment connu le bonheur. C'était la gloire. Remarquez, je ne l'ai toujours pas trouvé ce bonheur, et c'est très difficile avec ce que je fais. Mais, au moins, j'ai le sentiment
que ma vie sert à quelque chose. J'ai l'impression de ne pas être inutile et de jouer un rôle dans l'évolution des mentalités sur des sujets qui ne bougent pas depuis des siècles, car l'animal
est toujours considéré comme un objet de rentabilité. C'est mon combat.
Photo : © Gérard Schachmes
Combien de combats avez-vous remporté ?
Aucun. Excepté les phoques puisque cette année, après trente-trois ans, l'Union européenne interdit enfin l'importation des produits dérivés sur le territoire européen. Et ça, franchement, on
me le doit.
Donc, une seule victoire pour combien de luttes ?
Quand on aime, on ne compte pas.
N'avez-vous jamais été découragée ?
Je ne peux pas. Il est impossible de laisser tomber une priorité pour laquelle on s'est investi totalement. Viande de cheval, fourrure, chasse à courre, massacre des moutons de l'Aïd
El-Kébir... Il existe une loi en France qui impose l'étourdissement de tous les animaux avant la saignée. Il n'y a pas de raison pour que cette loi ne soit pas appliquée dans notre pays au nom
d'une religion. Je l'ai rappelé au président Sarkozy, qui me l'avait promis deux fois.
Je mène une guerre contre la déshumanisation de l'humanité. Par exemple, Borloo, ministre de l'Écologie, vient de donner l'ordre de tuer 550 000 cervidés en France sur deux ou trois ans.
Pourquoi un tel massacre ? Nous sommes loin de Bambi...
Mais que proposez-vous contre les problèmes de surpopulation ?
Ce choix est scandaleux. Il existe aussi un surnombre de personnes qui détruisent et polluent notre planète, mais, heureusement, nous les laissons vivre et nous les protégeons. Pourquoi ne pas
protéger de la même manière ces animaux que nous pourrions délocaliser ?
Concernant la perception de votre image par le public, y a-t-il un malentendu Brigitte Bardot ? Qui êtes-vous en réalité
?
Je suis directe, j'ai le courage d'être moi-même, et je n'ai pas peur de dire ce que je pense dans tous les domaines : les gens, la société, le monde actuel... J'ai cette force et je m'en sers.
J'ai été condamnée cinq ou six fois pour des propos racistes qui ne l'étaient pas, simplement parce que je dénonçais une façon d'abattre les animaux. Cela m'a coûté environ 200 000 E. J'avais
commencé ce combat toute jeune en 1962, dans Cinq colonnes à la une.
Et toujours sans résultat...
Aucun.
Alors, à qui la faute ?
Aux pouvoirs publics, qui sont incapables de faire changer les choses.
En choisissant cette vie, vous avez aussi choisi la difficulté, les critiques, les insultes parfois... Comment faites-vous pour
résister ?
C'est difficile. Je ne suis pas inconsciente. Au contraire, je suis très lucide, mais il m'arrive de craquer. Avant notre conversation, j'étais en larmes, car je pensais au massacre des moutons
pour l'Aïd du 27 novembre prochain. Cette souffrance est-elle nécessaire ?
Avec le temps, avez-vous l'impression de vous être endurcie ?
Non, au contraire, je suis de plus en plus vulnérable et sensible. Je suis souvent lasse, meurtrie, mais ma volonté de me battre et de vaincre est toujours plus forte.
La livre raconte aussi votre présence auprès d'adolescents atteints de maladies incurables. Vous n'en aviez pas
parlé...
C'était une histoire très personnelle. Deux jeunes filles placées dans des établissements spécialisés avaient formulé chacune un rêve. L'une souhaitait rencontrer Brigitte Bardot. Elle était
sous oxygène, je l'ai reçue à la Fondation, nous avons déjeuné ensemble, je l'ai invitée au Noël des animaux où elle a rencontré Alain Delon, Michel Drucker, Patrick Sébastien... Elle était merveilleuse et heureuse. C'est cela le vrai bonheur.
La seconde, je ne l'ai jamais rencontrée, mais nous avons échangé de nombreuses lettres et des cadeaux. Elle avait souhaité que ses cendres soient répandues au milieu de celles de mes chiens à
la Madrague. Nous l'avons fait avec le prêtre catholique de Saint-Tropez. Aujourd'hui, ses cendres y sont, avec sa photo.
Pour les causes que vous défendez, avez-vous l'impression que la télévision, très présente dans la vie des gens, agit suffisamment
?
Non. En revanche, pour les conneries, cela avance à vitesse grand V. Je n'en ai jamais vu autant. C'est effrayant.
Que regardez-vous ?
Surtout les films américains des chaînes thématiques sur TPS, quelques émissions d'Arte le soir et, le samedi, l'émission On n'est pas couché, pour la présence de Zemmour et Naulleau. Je les adore ces
deux-là.
Photo : © Gérard Schachmes
Les avez-vous rencontrés ?
Avant les vacances, ne sachant pas encore si Delon allait accepter, j'avais appelé Éric Zemmour pour lui demander de participer à Qui veut gagner des millions ? pour ma fondation. J'y suis
allée au culot. Il a été très sympa.
Marc-Olivier
Fogiel, dont le livre parle aussi, ne fait plus de télé pour l'instant. L'écoutez-vous sur Europe 1 ?
Vous êtes malade ? Je n'écoute qu'une seule radio : Radio classique. J'ai tourné la page Fogiel. Il n'est plus à la télé et il n'a que ce qu'il mérite. Durant
cette émission, qui s'était mal finie, les gens m'avaient soutenue à 300 %. Fogiel avait été d'une hypocrisie et d'une malhonnêteté redoutables. Heureusement, j'ai eu un peu plus tard des
émissions très jolies avec Michel Drucker et Mireille Dumas. Pour moi, Fogiel fait partie des gens morts et
enterrés.
Une réconciliation est-elle possible ?
Non. Il y en a quelques-uns comme ça qui m'ont fait des saloperies. Je n'y pense plus.
Quelle est l'urgence aujourd'hui ?
Dans la désespérance et la souffrance, il n'y a pas de priorité. Je ne baisserai jamais les bras ni ma culotte, à l'instar de certains politiques.
Finalement, la vie n'est pas facile...
Non, pas facile. Il faut s'investir. Je l'ai fait totalement. J'ai tout donné à ma fondation : mes maisons, mon pognon, mes affaires les plus précieuses, la Madrague...
Votre vie de mère aussi ?
Là, on n'en parle pas. C'est un sujet complètement interdit. Par respect pour Nicolas.
Source :
http://www.tvmag.com/programme-tv/article/magazine/47355/brigitte-bardot-enterre-marc-oliver-fogiel.html?meId=3