Il est toujours instructif de lire la prose des défenseurs de la corrida.
En Espagne, la suppression de la corrida en Catalogne votée fin juillet a donné lieu de la part des taurins à divers pétards
mouillés cacophoniques, cependant que les antitaurins envisagent de porter le débat dans l'espace politique d'autres communautés par le même moyen qu'en Catalogne.
En France, une proposition de loi collaborative contre la corrida a été enregistrée à l'Assemblée en juillet ; notre
collectif de vétérinaires a été rendu public en juin ; les sondages montrent une nette majorité de Français en faveur de l'interdiction de la corrida ; les associations anticorrida ont
comme les années précédentes organisé un certain nombre d'actions cet été (la prochaine étant une manifestation unitaire prévue à Nîmes le 11 septembre prochain) ; et les médias écrits,
radiophoniques et télévisuels, stimulés par l'événement catalan, donnent encore plus d'écho aux polémiques autour de la corrida.
Du coup, il y a dans le mundillo français, le petit monde de la corrida, comme une atmosphère de débâcle, où chacun
s'angoisse et accuse les autres de ne pas faire ce qu'il faudrait. Pourtant, le combat des opposants à la corrida est loin d'être gagné, car le noyautage taurin des milieux politiques,
médiatiques ou judiciaires français, même s'il est en déclin constant, sévit encore. Mais on peut à cette occasion confirmer la fragilité de l'univers taurin français.
Lisons à cet égard la prose d'André Viard.
Pour ceux qui ne le savent pas, André Viard est le président de l'Observatoire National des Cultures Taurines
(ONCT). L'ONCT est le
lobby de la tauromachie en France, sous forme d'une association 1901 créée en grandes pompes en mars 2008, dont l'objet est « d'étudier, de défendre, et de promouvoir la
culture taurine sous toutes ses formes »
Dans un éditorial paru sur son blog le 6 septembre, les considérations du président de l'ONCT reflètent l'atmosphère de déroute du
mundillo. Nous le reproduisons ici in extenso (fautes de français incluses, qu'on ne nous en veuille pas).
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VIVEMENT LE FOND
Dans pas longtemps, au rythme où vont les choses, le monde taurin, que ce soit en France ou en Espagne aura
touché le fond, par manque de concertation ou par excès d'individualisme, associés souvent à une absence totale d'esprit d'analyse.
En Espagne, c'est à une véritable cacophonie à laquelle on est en train d'assister, ce qui est normal dans la
mesure où ne s'étant jamais préoccupé de défendre la Fieta contre une menace qu'il n'imaginait même pas, le secteur taurin - professionnels et aficionados confondus - n'a jamais anticipé sur la
situation actuelle.
Il en résulte un feu d'artifice d'actions individuelles pour la plupart inutiles et une absence totale de
concertation qui ne laisse pas augurer d'un plan de reconquête immédiatement applicable. De partout, parviennent des lamentations, mais nulle part n'émerge la moindre solution à ce désordre
ambiant qui amplifie l'impact du vote catalan et explique que de nouvelles ILP vont être déposées dans diverses comunidades.
En France, allez savoir pourquoi, une frénésie de manifestation - alors que les aficionados français n'ont
jamais manifesté, hormis le jour du lancement de l'Observatoire - semble s'être emparée de divers groupes, qui, sans bien analyser les conséquences de leur action, se sont lancés dans des
initiatives peu opportunes.
À Nîmes, un collectif de réflexion appelle à venir porter une fleur sur la statue de Nimeño le jour même où à
Arles est prévu un grand rassemblement, jour où à Nîmes les antis se mobilisent également. Pourquoi faire petit quand on peut faire grand ? C'est ce que le collectif de réflexion aurait du se
demander avant d'être pris à son propre jeu par les antis qui le défient par voie de presse (et Midi Libre en remet une couche), sachant, ce que nous savons aussi, que ces deux manifestations
seront aussi malingres l'une que l'autre en termes d'audience, tandis qu'à Arles nous serons des milliers.
À Dax, l'idée d'un rassemblement semblable a été abandonnée, suite à l'initiative quelque peu irresponsable de
quelques facebookers qui ont pris sur eux, alors qu'on le leur avait déconseillé, de convoquer une manifestation devant les arènes, laquelle est bien sûr impossible puisqu'elle tomberait sous
le coup de l'arrêté l'interdisant. Les jeunes facebookers ont eu leur heure de gloire grâce à une dépêche de l'AFP... et ? Rien. Deuxième bavure, et quelques brasses (coulées) de plus vers le
fond.
Le côté positif de ces initiatives est qu'elles démontrent la prise de conscience de l'aficion - à Nîmes
c'était déjà le cas au sein d'autres collectifs, et sur Facebook voir des milliers de jeunes prêts à se battre est un fait important - mais aussi son indiscipline chronique. Personne ne dit
bien sûr qu'elle doir marcher au pas - Dieu nous en préserve - mais un peu de concertation avec l'Observatoire - par exemple - qui tente de canaliser toutes les forces vives et met en place des
stratégies, vaudrait mieux que se tirer par maladresse une balle dans la jambe. Enfin, tant qu'on en a deux, le mal est réparable... et sera réparé.
Ce qu'il y a de positif aussi, quand on touche le fond, ce qui est un peu le cas, c'est qu'il suffit d'un coup
de talon sur le plancher de la piscine pour remonter à la surface. L'appel est donc lancé à tous ceux qui auraient encore de mauvaises idées, pour qu'ils les mettent en pratique au plus vite,
qu'on soit ridicules un bon coup tous ensemble et qu'on n'en parle plus, afin que ce volontarisme ô combien sympathique mais tout aussi dangereux ne se mette plus en travers des véritables
actions qu'il faut entreprendre et de la véritable image qu'il faut donner, laquelle s'accomode mal de cette impression de pétaudière que "nous" (formule de politesse), sommes en train de
donner.