L'histoire
C'est la belle époque, Maria -Brigitte Bardot- est fille d'un anarchiste irlandais. Avec lui, elle fait sauter des bombes un peu partout dans le monde. Un jour le père saute avec la
bombe. Elle se retrouve seule au Mexique. Lorsqu'elle croise la route d'un cirque, une autre Maria -Jeanne Moreau- l'engage pour faire un numéro avec elle. Chaque soir, elles exhibent les
charmes en dentelles du gai Paris devant un parterre ébahi de Mexicains. La révolution gronde. Pour Maria -BB- l'atavisme parle fort. Elle retrouve le goût des pétards et des armes à feu, et
prend la tête des révolutionnaires.
La scène
Maria y Maria, les senoritas de Paris ou quand Bardot et Moreau réinventent le striptease.
En 1963, Louis
Malle vient d'achever Feu Follet, l'histoire d'un homme déterminé à se supprimer. Toute l'équipe du film a des idées suicidaires, il faut sortir de cette atmosphère
mortifère: "Imaginons une comédie tropicale, avec de jolies dames!" Il fait appel au scénariste Jean-Claude Carrière qui reçoit un jour le télégramme suivant: "Rendez-vous mercredi, Hôtel
Cortes, Mexico. Louis." L'entente entre les deux hommes est immédiate et amorce une collaboration de 30 ans. Côté casting, Jeanne Moreau réclame Brigitte Bardot pour co-équipière: "Brigitte,
c'est moi qui l'ai choisie! L'idée de départ était de coupler une Française et une Américaine. Shirley Mac Laine devait être ma partenaire. J'ai préféré Brigitte Bardot, parce que je la trouve
superbe et qu'on est vraiment différentes. On était surtout heureuses de casser notre image et de jouer des rôles d'aventurières habituellement réservés aux hommes!"
Viva Maria est tourné en 1965. Bardot est au faîte de sa gloire et le général de Gaulle de retour au pouvoir. Sous sa conduite, la France a retrouvé le sens des valeurs
traditionnelles. Brigitte Bardot, avec ses cheveux "en ramdam", son sourire dévastateur et ses tenues affolantes, prône l'amour libre et l'indépendance des femmes. "Bardot et moi, racontait
Jeanne Moreau, étions les deux pôles de la nouvelle représentation de la femme. Elle, l'attraction sexuelle, moi le mystère féminin. Brigitte était un sex-symbol. Moi, pas du tout. J'étais une
comédienne." Mal perçu par la critique, Viva Maria réalisera néanmoins des records d'entrées.
L'analyse
La scène se passe dans un cabaret avec pour décor la tour Eiffel. La caméra se fait amoureuse d'une Jeanne Moreau à la beauté sereine et d'une Brigitte Bardot stupéfiante de jeunesse et
d'aisance. Mais voilà sa robe qui craque! Jeanne Moreau reste digne. BB, elle, commence à se déshabiller au rythme de la musique de Georges Delerue: on assiste en direct à l'invention du
striptease! Soudain silence absolu. Les musiciens, le chef d'orchestre, subjugués, restent figés. On entendrait une mouche voler... Mais un type ose tousser! On l'assomme. Et puis pif paf! Une
bonne paire de claque au gamin trop jeune pour voir des femmes à moitié nues... et l'orchestre enchaîne... Les costumes sont sublimes, les dessous mirobolants. Louis Malle réalise une scène
rythmée au cordeau. Un hymne au corps de la femme!
Sources: L'Esprit Libre Jean Collet Télérama, Jean-Claude Carrière, Collection Entretiens (2011)
L'Insoumise, Jeanne Moreau, Edition Flammarion
Louis Malle le rebelle solitaire, Pierre Billard
C'était Bory, Daniel Garcia et Janine Marc-Pezet, Editions Cartouches Octobre 2011