Achetés à prix d’or par les entraîneurs, les chevaux de course qui se révèlent trop peu performants finissent parfois dans l’assiette du consommateur. Cette pratique vieille comme la course hippique est taboue dans le milieu équin. Peu de propriétaires reconnaissent y avoir eu recours pour se débarrasser de leurs canassons.
Un sujet tabou dans le milieu des courses
Toutefois, quelques associations œuvrent pour éviter à ces animaux de finir en bifteck. C’est le cas de la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC). Grâce à un partenariat signé en 2007 avec France Galop, concessionnaire de l’hippodrome et du centre d’entraînement de Maisons-Laffitte, elle récupère des dizaines de chevaux chaque année qu’elle replace dans des familles d’accueil. « Pour la course, les bêtes deviennent trop vieilles à 7 ans, plus assez vives. Alors les propriétaires sont prêts à s’en débarrasser, à n’importe quel prix », témoigne Anne Riboulet, la présidente. À Maisons-Laffitte, le phénomène s’est résorbé depuis quelques années, selon plusieurs entraîneurs qui souhaitent garder l’anonymat.
« Il y a dix ans encore, il y avait deux boucheries chevalines dans la commune, confie l’un d’eux. Les propriétaires leur revendaient des chevaux. Le boucher venait le chercher avec son camion puis quelques jours après l’animal était exposé à la découpe dans les vitrines de ces magasins. »
Ce que confirme Jean-Paul Gallorini, entraîneur mansonnien réputé : « Aujourd’hui cette pratique n’a plus cours à Maisons-Laffitte car il n’y a plus de boucherie chevaline. C’est une bonne chose car c’est un animal noble. Avant cela se faisait beaucoup dans la commune. À une époque, j’en ai envoyé plusieurs à l’abattoir. » Selon l’analyse d’un autre professionnel mansonnien du monde hippique, avec la disparition des boucheries chevaline à Maisons-Laffitte, ce procédé serait devenu « beaucoup moins rentable ». Car les abattoirs les plus proches se trouvent de l’autre côté de Paris ou en Normandie. Et les bouchers chevalins ont quasiment tous déserté la région.
Des bouchers dans la confidence…
Pourtant, dans l’une des rares boucheries chevaline du département, on confirme que cette méthode est toujours d’actualité et que Maisons-Laffitte n’est pas épargnée :
« Il arrive que l’on vende des chevaux de course. Mais c’est de plus en plus rare. C’est comme un cheval traditionnel. »
Comme ces bêtes sont de vrais sportifs de haut niveau, se pose alors la question des traitements médicaux qu’il aurait pu suivre durant leur carrière et de l’impact sur la santé du consommateur : « Les animaux subissent des contrôles sanitaires, répond le boucher. Le lendemain de son abattage, on reçoit l’aval ou non des instances sanitaires pour le mettre en vente. »
En vendant son cheval sur pied autour d’un euro le kilo (avant abattage) – bien moins cher que le bœuf -, un propriétaire peut espérer en tirer entre 450 et 500 euros. « Avec les animaux de course, la viande est très tendre », affirme le boucher.
« Tous mes chevaux réformés sont donnés à des associations pour être placés dans des familles ou des centres équestres de loisirs, déclare Véronique de Balanda, épouse d’un entraîneur mansonnien et conseillère municipale déléguée aux activités hippiques. Sur soixante bêtes à l’entraînement, seul cinq ou six sont réformées chaque année. »
Lorsqu’on lui demande si tous les entraîneurs font la même chose à Maisons-Laffitte, sa réponse est très vague : « Je ne sais pas. Peut-être que certains les vendent aux abattoirs mais ils ne le crient pas sur tous les toits. »
“Les Lumières” vit une retraite paisible
Depuis la signature d’un partenariat en 2007 avec France galop, l’entreprise qui gère les courses à Maisons-Laffitte, la Ligue Française pour la protection du cheval (LFPC) a pu sauver entre 300 et 500 bêtes, dont plusieurs dizaines issues de Maisons-Laffitte
Trop vieux à partir de 7 ans
« À partir de 7 ans, un cheval est trop vieux pour participer aux courses, indique Anne Riboulet, la présidente. Il arrive parfois que certains ne soient pas assez rapides à trois ans. Ils sont alors réformés d’office.»
En sachant qu’un cheval vit une trentaine d’années en moyenne, il faut bien en faire quelque chose. Beaucoup de propriétaires arrondiraient leurs fins de mois en revendant l’animal à une boucherie. La LFPC en récupère aussi gratuitement une bonne partie.
« Nous devenons alors propriétaire du cheval jusqu’à la fin de ses jours, déclare la présidente. Nous ne pouvons pas le revendre. Nous le plaçons gracieusement chez une famille ou dans un centre équestre. Mais nous conservons un droit de regard. Si l’animal n’est pas soigné correctement, nous le reprenons. »
“Les Lumières” fait partie de ces purs sangs mansonniens à avoir été sauvé de l’abattoir. Cette jument âgée aujourd’hui de neuf ans, a été réformée à trois ans et demi. Elle profite aujourd’hui d’une retraite heureuse comme cheval de selle, chez Marie Marge, une Bourguignonne. « Elle n’était pas assez dynamique, alors son propriétaire voulait s’en débarrasser», relate cette dame qui est propriétaire d’un centre de remise en forme pour équidés à Saint-André-en-Terre-Plaine (89). « Je préfère adopter un cheval pour lui sauver la vie plutôt que d’en acheter un, surtout que ça coûte très cher », confie-t-elle.
Mauvaise politique d’élevage ?
Le phénomène des chevaux qui finissent en bifteck est dû à « une mauvaise politique d’élevage », selon Marie Marge : « Il y a beaucoup trop de naissances. Beaucoup de ces bêtes n’auront jamais la capacité de courir. Alors leur propriétaire s’en débarrasse à n’importe quel prix. »
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