Ce n’est pas la première fois que Brigitte Bardot s’attaque au gouvernement. Elle avait déjà sollicité le ministre de la Transition écologique, madame Barbara Pompili, afin que soit interdite la chasse en enclos. « La chasse en enclos sur des animaux captifs, dans l’incapacité de fuir, est d’une lâcheté plus effroyable encore, une honte pour les hommes qui s’y adonnent et pour nos dirigeants qui laissent faire. » L’ancienne actrice lutte bec et ongles pour une prise de conscience des souffrances animales, mais aussi face à l’indifférence de nos politiciens malgré leurs promesses qui, systématiquement, restent lettre morte une fois les élections gagnées. Cette tribune, publiée le 7 juillet sur le compte Twitter de la Fondation Brigitte Bardot, dénonce la lâcheté face à l’horreur ; et notre BB nationale de s’en prendre aux écologistes : « Aucun parti ne parle des animaux, même pas les écologistes dont ça devrait être la priorité », avant d’apostropher directement le Président de la République : « Vous avez fait de la France un monticule de douleurs animales et humaines qui vous sert de trône, Monsieur Macron. »
Notre dernière conversation remonte à juillet 2013 ; en huit ans, quelles sont les progrès notoires que votre fondation a obtenus en matière de protection animale ?
BB : Je ne prends jamais la parole pour évoquer les combats gagnés mais pour soutenir ceux en cours. C’est la raison de ma dernière tribune. Voilà presqu’un demi-siècle que je suis vent debout au bénéfice des animaux ; le dernier bilan de ma Fondation atteste que 75% de nos ressources vont à la protection animale directe. Je vais vous donner les chiffres pour que vous les transmettiez car nous sommes l’un des organismes qui redistribuent le plus à sa cause. Disons que, en huit ans, nous avons pris conscience qu’il était essentiel d’associer les jeunes dès l’enfance à notre combat, raison pour laquelle la fondation a créé un espace Internet Junior et un Instagram Junior… et tant d’actions parallèles que votre interview ressemblera à une liste si je les énumère toutes.
[La répartition des dépenses de l’année 2019 est de 75% pour la protection animale directe (66% France, 9% international) – 5% en frais de fonctionnement – 5% pour les actions de sensibilisation – 3% d’actions juridiques contre la maltraitance – 6% de frais de recherche de fonds – 5% de fonds dédiées – 1% en charges diverses.]
Évoquons alors les combats en cours…
BB : Idem. Ils sont très nombreux. Parmi lesquels l’interdiction de la corrida et, faute de l’obtenir, au moins son interdiction aux mineurs… le bannissement définitif des animaux sauvages dans les cirques… le stricte contrôle de ce qui se passe réellement dans les abattoirs… la fin de l’abatage rituel… tout cela et bien d’autres choses n’ont malheureusement pas été résolus depuis notre dernière conversation.
Quel est le pays le plus avancé en matière de protection animale ?
BB : Il n’y a pas de pays modèles. Pour autant, certains états font de petits efforts réguliers afin d’améliorer la cause animale ; j’observe avec désolation que ce n’est hélas ! pas le cas de la France.
A Tel Aviv et à Lisbonne, des gamelles d’eaux sont disposées à l’entrée des magasins pour que les chiens puissent boire, ils sont d’ailleurs acceptés presque partout sauf dans les boutiques alimentaires. Idem en Italie où une chaîne de supermarchés a conçu des Caddy pour recevoir les petits chiens. En France, impossible de faire ses courses avec un animal et la majeur partie des restaurants les refusent, même chose chez certains coiffeurs… La réduction des abandons ne serait-elle pas substantielle si les animaux n’étaient pas refusés quasiment partout ?
BB : Absolument. Comme je viens de vous le dire, la France n’a engagé aucun effort concret pour, non seulement la protection, mais aussi l’acceptation animale. Rien. Les animaux sont considérés comme des objets jetables ou/et corvéables à merci, pour l’essentiel dans le but d’en tirer un maximum de profit. Nous sommes la lanterne rouge de la protection animale des pays occidentaux. Les abandons sont la conséquence de toute cette indifférence.
Outre un sentiment de désolation, comment le ressentez-vous ?
BB : Pour moi qui suis considérée partout dans le monde comme la « fée des animaux », que mon pays soit si cruel et en retard m’attriste au-delà de tout. Chaque fois que j’y pense, j’ai les larmes aux yeux.
La ville d’Obernai, en Alsace, vient de passer la contravention de « non ramassage de crotte » à mille euros….
BB : Ces imbéciles me font rigoler avec leurs crottes de chien ! Il existe bien d’autres sujets de pollution autrement plus dommageables contre lesquels il serait préférable de lutter.
Par exemple ?
BB : Pas exemple ?! Les drogués qui « vomissent » leur seringues sur les trottoirs et dans les caniveaux. Il y a suffisamment d’argent gaspillé pour tous ces traine-savates – à qui on ne demande rien et contre lesquels on ne fait rien – pour que les services d’hygiène payés par nos impôts nettoient les crottes de nos chiens. Voilà encore une raison d’abandon !
Vous dénoncez « les lâches » qui nous gouvernent sans pourtant jamais vous être présentée à aucune élection…
BB : Mon combat est également politique dans la mesure où je lutte afin que soient modifiées les lois au bénéfice des animaux. Chacun ne pense qu’à son nombril, sa futur échéance électorale, son nombre de voix : être élu à tout prix, il n’y a que ça qui compte ; le reste, on n’en parle pas, surtout ne pas choquer par des propos intelligents qui pourraient se retourner contre vous. Alors oui ! Je n’ai jamais été candidate à des élections, précisément pour ne pas entrer en compétition avec ces Guignols qui détruisent la France. Éric Zemmour donne toutefois un peu d’espoir.
Y a-t-il quelques courageux parmi ces « lâches » ?
BB : La seule courageuse dans ce magma de connards, c’est moi, et c’est triste !
Pourriez-vous donner votre voix à un parti en désaccord avec vos obédiences s’il promettait de légiférer à l’avantage de la cause animale ?
BB : Ah, oui alors ! Je le bénirai ce parti, de quel bord qu’il soit ! Mais hélas…
Le coronavirus nous a privé de nos libertés pendant presque un an, chacun a donc pu se projeter sur ce qu’est l’enfermement. Pensez-vous que cette expérience ait fait comprendre ce que vivent les animaux enfermés toute leur vie ?
BB : Vous rêvez ? Peau de balle et balais de crin ! La connerie ambiante ne mène pas à réfléchir, et moins encore à l’essentiel ; en revanche, le superficiel, ça oui. Les animaux encagés le sont parce que certains acceptent de s’en nourrir, et parce que d’autres (souvent les mêmes) vont les voir dans des zoos en rigolant devant l’enclos des singes : ils se moquent de leurs pauvre désespérance. Voilà la vérité. Tant qu’il y aura une clientèle pour donner son argent à ce spectacle, les zoos existeront. Tiens ! Encore un combat à gagner.
Êtes-vous optimiste pour l’avenir de la protection animale, Brigitte Bardot ?
BB : Je ne suis optimiste pour rien du tout. La seule chose que je souhaite est de voir la planète retrouver l’équilibre qu’elle a perdu, victime d’une démographie incontrôlée, polluante, ravageuse et destructrice. Autant vous dire que ça n’aide pas à l’optimisme.
Pythagore débattait du droit des animaux dans l’Antiquité ; la première loi de protection animale du monde moderne – le Martins’s Act, du député irlandais Richard Martin – date de 1822 et « interdit les actes de cruauté à l’encontre du bétail » ; très récemment, Israël est devenu le premier pays à prohiber le commerce de la fourrure animal pour la mode… N’y a-t-il pas un peu d’espoir ?
BB : L’espoir fait vivre ! Mais il faut parfois plusieurs vies pour qu’il se concrétise…
Quelle est la première décision à prendre, la plus urgente, celle qui vous amènera des cauchemars tant qu’elle ne sera pas effective ?
BB : Ne plus se nourrir d’animaux. C’est impératif, urgent, vital.
« Honteux, écœurant et sordide » sont les trois adjectifs que vous avez utilisés pour définir la cérémonie des César 2021. Ce sont aussi des adjectifs que l’on retrouve dans votre qualification de la maltraitance animale. Le monde serait-il devenu ainsi ?
BB : Ne me parlez plus de cinéma, et surtout pas du cinéma actuel devenu sordide, social, vulgaire et violent ; il est le reflet de notre société décadente… On a tué le rêve et la beauté alors que ce sont eux qui ont toujours sauvé l’homme.
Je ne vous demanderai pas si vous êtes vaccinée contre le Covid-19, c’est un choix personnel, mais ces vaccins n’ont pu être élaborés que grâce aux essais sur les animaux. J’aimerais votre avis…
BB : Vous ne me le demandez pas mais je vais vous répondre : je ne me ferai jamais vacciner. Ce que vous appelez « essais sur animaux », je l’appelle vivisection. Quant à ces vaccins, précisément, j’en parle dans mon « Requiem pour les animaux », car des milliers de cobayes ont été victimes d’une mort lente et douloureuse afin de mettre au point des traitements qui enrichissent les laboratoires par milliards.
En fait, lorsque l’on observe votre vie, on constate que les animaux vous ont sauvée autant que vous essayez de le faire pour eux…
BB : Vous avez tout à fait raison. C’est un curieux échange, et je leur dois ma survie car sans eux je ne serai plus là.
Vous avez été mariée trois fois, mais votre plus belle histoire d’amour n’est-elle pas celle entre vous et les animaux ?
BB : Toutes les histoires d’amour sont belles et rares. Celle que je partage avec les animaux est unique, c’est ce qui en fait la précieuse valeur.
A propos d’amour et de valeur, accepteriez-vous de confirmer cette anecdote qui prétend que votre troisième mari, Günter Sachs, vous avait offert un magnifique diamant mis aux enchères par vous-même afin de récolter les fonds nécessaires pour créer votre fondation ; Günter Sachs aurait racheté le diamant pour vous le réoffrir ensuite…
BB : Mais c’est vrai ! Un geste d’une rare élégance. En revanche, Günter ne me l’a pas réoffert, il avait trop peur que je le revende pour les animaux. Sa générosité pour ma Fondation a été fidèle et grandiose jusqu’à sa mort.
La fille de ma voisine – Apolline, six ans – m’a demandé de vous poser cette question : « Peux-tu demander à la dame si elle parle la langue des chiens et si elle les comprend quand ils aboient ? ».
BB : Alors petite Apolline (c’est un joli prénom), oui je comprends le langage des chiens et toi aussi tu peux le comprendre. Ils aboient de façons différentes s’ils sont joyeux ou en colère, et ils font aussi des petits jappements de joie ou des gémissements de douleurs.
Votre dernier livre, Larmes de combat, date de 2018… Les éditions Grasset ont réédité vos mémoires, Initiales B.B., en 2020… Bernard Swysen et Christian Paty vous ont dernièrement consacré une bande dessinée… Y-a-t-il un autre livre en cours ?
BB : Un nouveau livre que je n’ai pas écrit vient de sortir, Vérité BB, de Pascal Louvrier.
L’avez-vous lu ?
BB : Non. Je ne lis pas les livres qui me sont consacrés. Je connais ma vie mieux que ceux qui l’écrivent ; toutes ces biographies sont d’ailleurs un puit sans fond.
« Celui qui sauve une vie sauve l’humanité entière », c’est une citation de Primo Levi. Je vous demanderais de compléter celle-ci : Celui qui sauve un animal…
BB : Malraux a écrit : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie », je poursuis en ajoutant « qu’elle soit animale ou humaine ». La vie est sacrée. Celui qui sauve un animal sauve le sacré. Dieu est clair à ce propos : « Tu ne tueras point »…
Cet article sera illustré par une photo que je vous laisse choisir : soit un portrait de vous actrice, soit un portrait de vous aujourd’hui, éventuellement celui d’un animal de votre choix, ou bien une photo de ma chienne : elle s’appelle Java, le plus beau teckel du monde, évidemment ! c’est ma chienne, dont voici quelques images…
BB : Honneur à Java, et je laisse à son papa Jérôme le soin de choisir la photo.
Merci de votre temps et de votre gentillesse…
BB : Je suis très émue d’avoir répondu à ces questions intelligentes et profondes, ça change des conneries habituelles.
Ultime question. Si vous aviez le dernier mot, Brigitte Bardot ?
BB : Merci Jérôme, merci Java, je vous aime et je vous embrasse. Ce sera mon dernier mot !
Propos recueillis par Jérôme ENEZ-VRIAD le 13 juillet 2021
© Juillet 2021 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle
Initiales B.B. Autobiographie de Brigitte Bardot aux éditions Grasset, 640 pages – 24,90€
Fondation Brigitte Bardot – Reconnue d’utilité publique (Tous les dons sont déductibles à 66% des impôts sur le revenu), 28, rue Vineuse – 75116 Paris
Site Fondation Brigitte Bardot
Site FBB Junior
Twitter FBB
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