Aurélien Brulé consacre sa vie au sauvetage des gibbons en Indonésie. Alors que son association fête ses 20 ans, il lance un coup de gueule pour dénoncer les ravages des plantations de palmiers sur l’habitat de ces primates.
Aurélien Brulé, dit Chanee, ne s’arrête jamais. Quand on le retrouve dans une banale crêperie de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), il fait de la retape auprès d’un mécène pour la sauvegarde des gibbons. En Indonésie où il vit, l’homme de 38 ans a créé « Kalaweit », le plus grand centre de protection de ce primate à bonne bouille auréolée de blanc, qui vient de fêter ses 20 ans.
Amoureux de ces bêtes à long bras depuis l’enfance, le combat de Chanee est désormais de mettre fin aux ravages de l’industrie de l’huile de palme. Ici, on roule au diesel et on mange de la pâte à tartiner. Loin là-bas, on déforeste, avec pour conséquence la disparition de ces singes. Le constat est connu et… les choses ne changent pas. « Elles empirent en fait, insiste Aurélien installé sur place. On mange de moins en moins de pâtes à tartiner, l’agroalimentaire a fait des efforts mais aujourd’hui 50 % de la production est engloutie dans les carburants. Et l’Indonésie, premier producteur d’huile de palme, détruit ses forêts tropicales. »
Muriel Robin comme marraine
L’histoire débute comme un rêve d’enfant. « Gamin, je vivais à côté du zoo de Fréjus. Je me suis pris de passion pour les gibbons à tel point que le directeur m’a laissé les observer tous les mercredis. » À force d’étudier ces acrobates, il devient incollable et écrit, à 16 ans, son premier livre, « Le gibbon à mains blanches ». Rien n’avait été publié sur cette espèce ultra-menacée. Les primatologues sont impressionnés, la presse dresse (déjà) le portrait de cet autodidacte. C’est ainsi que Muriel Robin découvre son existence et décide de réaliser son vœu en finançant un voyage en Thaïlande pour découvrir les animaux en liberté - il en gardera son surnom de Chanee, gibbon en thaï.
À peine rentré, sitôt reparti grâce à sa bonne fée Muriel Robin. Direction l’Indonésie, où à force de volonté il fonde son association « Kalaweit » (gibbon en langue dayak cette fois) et deux sanctuaires, l’un à Bornéo, l’autre à Sumatra, en 1998. « A l’époque, on faisait face à des braconniers artisanaux, qui volaient les bébés pour les revendre comme des jouets vivants », raconte Aurélien. Les Indonésiens sont fans de ce singe, qui a la spécificité de chanter.
Besoin de grands espaces
Mais depuis la fièvre de l’huile de palme des années 2000, les ouvriers détruisent les dernières poches de jungle où se concentrent les animaux. « Les populations diminuent, et il n’y a presque plus de lieu pour les relâcher » s’énerve le militant. D’autant plus que les gibbons ont besoin de grands espaces. Ces animaux monogames passent leur temps à défendre leur territoire. Installez un autre couple sur une parcelle trop exiguë et ils finiront par s’entre-tuer.
Pour son vingtième anniversaire, Kalaweit a fait ses comptes : 1500 animaux sont passés par ses centres. Y compris des panthères, des tigres, des ours, des crocodiles. Une cinquantaine de gibbons ont pu être réintroduits dans la nature. Aujourd’hui, 314 singes vivent dans les gigantesques volières des sanctuaires au milieu de la forêt. « Jamais, au grand jamais, nous n’enverrons nos gibbons dans les zoos », insiste Aurélien. D’ailleurs, une des grandes affaires des soigneurs est de poser des implants contraceptifs aux femelles car des gibbons nés en captivité pourraient être vendus à des zoos, ce qu’autorise la législation.
Menacé de mort
Récemment Aurélien a changé de tactique. S’il continue de travailler avec les autorités, en parallèle, il achète du terrain. « Nous possédons aujourd’hui 640 ha. C’est très peu mais c’est réel ! On n’a plus le temps pour les grands discours, il faut agir », pointe-t-il. Les critiques sur l’aspect éthique de cette appropriation de la terre ne touchent pas celui dont l’engagement ne va pas sans heurts : il est menacé de mort par des braconniers, le bateau où il vivait a été coulé. Mais rien n’arrête ce citoyen indonésien depuis 2012, marié et père de deux enfants. Sa maison est gardée 24 heures/24.
Chanee a également su médiatiser le sort de ses protégés. Sur place il a créé une radio, où des programmes de pop musique et d’humour sont entrecoupés de spots de sensibilisation. Et ça marche ? Plus de 70 % des gibbons lui ont été ramenés par des auditeurs. Dans l’Hexagone, il est apparu dans un documentaire sur France 2 et surtout dans une série documentaire, où il jouait les guides pour des personnalités en terre sauvage. Hors les frontières, la BBC lui a consacré elle aussi une série. Depuis la rentrée, il est chaque semaine chez Michel Drucker dans l’émission « Vivement dimanche ! ». Cette personnalisation de la cause peut agacer. Aurélien assume : son modèle est Dian Fossey, la passionaria des gorilles qui a inspiré le film « Gorilles dans la brume » (1988).
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