Ces sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs!
Ces sénateurs ont déposé une proposition de loi « relative à la suppression de l’autorisation exceptionnelle de sévices et d’actes de cruauté sur les animaux lors des
corridas ». Cette loi comporte pour unique article :
« Le septième alinéa de l’article 521-1 du code pénal est supprimé. »
La suppression du septième alinéa de l’article 521-1 du code
pénal reviendrait à étendre l'interdiction des corridas et des combats de coqs à l'intégralité du territoire français:
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus
applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie. »
Lire ci-dessous l'intégralité de la proposition de loi :
N° 43
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2013
PROPOSITION DE LOI
visant à punir, sans exception, les sévices graves envers les animaux
domestiques,apprivoisés, ou tenus en captivité,
PRÉSENTÉE
Par MM. Roland POVINELLI et Roger MADEC,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une
commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Se développe dans notre société un intérêt grandissant à l'égard des questions éthiques déterminant notre relation avec les autres êtres vivants et spécialement avec les animaux non-humains.
Cette nouvelle vision résulte en grande partie d'une connaissance de plus en plus précise de la biologie des espèces considérées.
Pour prendre en premier lieu l'exemple des combats de coqs, l'on dénombre encore 27 pays où des combats de coqs sont encore plus ou moins légalement organisés, la France demeurant l'un des trois
derniers bastions européens de cette pratique.
À l'image des taureaux, qui sont souvent mutilés avant d'entrer dans l'arène, les coqs ont la crête, les oreillons et les barbillons réduits à leur plus simple expression
pour éviter d'offrir une prise trop facile aux becs de leurs adversaires.
Une mutilation pratiquée à vif, tout comme celle de l'ergot scié lorsque le coq atteint 12 à 14 mois, peu de temps avant ses premiers combats. Avant d'entrer dans le gallodrome, les coqs sont
équipés d'un ergot métallique de 52 mm de long, droit et lisse, qui a le « mérite », selon les coqueleurs, de ne provoquer que des blessures nettes qui cicatrisent rapidement, à l'inverse des
ergots naturels courbes qui arrachent les chairs...
Une conception traditionnelle et dominante dans notre société était basée sur la croyance d'une discontinuité radicale, voire d'une opposition, entre l'être humain et le reste des animaux. Or,
les études des capacités cognitives et du système nerveux des animaux ont établi une continuité manifeste entre l'homme et les autres animaux.
Il a été démontré scientifiquement que les animaux possèdent des systèmes particuliers pour la perception des stimulations nocives et que cette perception s'accompagne d'une intense et
désagréable composante affective.
Dès lors, la conclusion à laquelle ces observations aboutissent est que les taureaux, comme les coqs, ressentent la douleur, le stress et la souffrance avec des caractéristiques semblables à
celles ressenties par les êtres humains. De fait, la législation de l'Union européenne reconnaît explicitement que les animaux sont des êtres sensibles et pose comme objectif « d'éviter aux
animaux toute douleur ou souffrance non nécessaire ».
Pour atteindre cet objectif, des normes spécifiques ont été mises au point sur l'élevage, les conditions de vie des animaux de ferme, les animaleries, les zoos, sur le transport des animaux, leur
abattage pour la consommation et sur l'usage de l'expérimentation.
Mais c'est bien la notion de tradition qui constitue ici le principal problème et qui laisse perdurer un non-sens juridique auquel les juridictions ne peuvent répondre que
par une dénaturation des textes.
L'article 521 du code pénal, héritier de l'article 453 de l'ancien code, incrimine et réprime le délit d'acte de cruauté envers les animaux apprivoisés ou tenus captifs. À titre d'exception,
l'article prévoit un fait justificatif de l'acte de cruauté « pour les courses de taureaux lorsque existe une tradition locale ininterrompue » et « aux combats de coqs dans les localités où une
tradition ininterrompue peut être établie. »
En premier lieu, la tradition ininterrompue ne peut être considérée comme un fait justificatif recevable et s'opposer à la qualification infractionnelle d'actes répréhensibles. En effet, la liste
des faits justificatifs en droit pénal français est définie de manière exhaustive aux articles 122-4, 122-5, L122-6 et 122-7 du code pénal. Il s'agit de l'ordre de la loi, du commandement de
l'autorité légitime, de la légitime défense et de l'état de nécessité.
De plus, selon une étude menée par le juge Gérard CHAROLLOIS, Vice-président au tribunal de grande instance de Périgueux, les juridictions qui se sont prononcées jusqu'à ce jour ont manifestement
dénaturé le sens de la loi. Additionnés au non sens juridique de cette notion de « tradition ininterrompue, les « écarts » juridictionnels ne font que jouer en la faveur de ceux qui sollicitent
la suppression de son septième alinéa.
Ces juridictions ont ainsi été appelées à interpréter la loi et notamment la proposition clé : « lorsque existe une tradition locale ininterrompue ». Un spectacle taurin pouvait-il être organisé
en banlieue de Bordeaux (Floirac), alors que quelques décennies séparaient ce spectacle de la dernière corrida de Bordeaux ? Un club taurin peut-il légalement chercher à relancer les corridas à
Toulouse, alors qu'il n'y a pas eu de tels « jeux » depuis 1976 ?
Les juges ont couvert la corrida en retenant que dans l'ensemble régional existait une tradition de tauromachie.
Leur raisonnement constitue une évidente dénaturation de la loi et de la notion « de tradition locale ininterrompue ». Il deviendrait évident, en retenant leur interprétation du texte, qu'entre
Fréjus, dans le Var et Mont-de-Marsan, dans les Landes, les promoteurs de spectacles pourraient soutenir qu'existe une tradition locale ininterrompue et insusceptible de l'être dès lors qu'il
suffirait de constater l'existence d'une corrida, dans une localité quelconque du tiers Sud de la France pour affirmer que la disposition légale ne peut pas jouer. La restriction perd tout sens
et l'interprétation donnée par le juge toulousain retire à la prudence du législateur toute portée.
Si « local » veut dire « tiers Sud de la France », il n'y a plus à rechercher l'existence ou l'absence d'une interruption de la tradition. Il suffit que des corridas aient lieu à Nîmes pour en
justifier à Toulouse ou partout ailleurs. « L'interruption » visée par la loi devient une condition impossible et la proposition « Lorsque existe une tradition locale ininterrompue » devient
absurde.
De plus, ces considérations, qui ne sont que d'ordre géographiques, font peser un énorme risque de rupture du principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi.
Quoi qu'il en soit, le patrimoine traditionnel d'une société est un bien à préserver tant qu'il n'existe pas une meilleure raison qui justifierait son extinction.
Les traditions changent et des pratiques considérées comme acceptables il y a à peine quelques années sont actuellement illégales ou sont considérées comme éthiquement inacceptables. Il y a
d'innombrables exemples de ces changements dans toutes les sociétés. Pour preuve, le 28 juillet 2010, le Parlement catalan a voté, par 68 voix contre 55 (et 9 abstentions), l'abrogation de
l'article 6 de la loi de protection animale qui tolérait les corridas.
La question principale est de savoir si un spectacle dans lequel la violence sur un être vivant constitue l'aspect essentiel, outre d'autres éléments, est un bien culturel à préserver et à
transmettre aux générations futures. Nous répondons par la négative et la présente proposition de loi a pour double objectif d'éviter la douleur animale et de transmettre aux nouvelles
générations des valeurs exemptes de cruauté.
Enfin, d'un point de vue purement économique, il est faux de prétendre que l'interdiction des corridas porterait atteinte au développement touristique et économique des régions où elles se
pratiquent.
En effet, ce sont les férias qui génèrent une activité économique locale et qui profitent aux commerçants. Seule une minorité des personnes qui viennent faire la fête dans les rues passe dans les
arènes. En moyenne, 90 % des personnes qui viennent faire la fête dans les rues n'assistent pas aux corridas.
Il apparait dès lors indispensable que la France, qui a déjà accumulé au regard de ses voisins européens un grand retard en matière de défense de la cause animale, revienne sur ces pratiques d'un
autre âge et s'aligne sur la volonté de ses concitoyens qui, en majorité, les rejettent.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le septième alinéa de l'article 521-1 du code pénal est supprimé.
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