Disparition. Révélée dans «le Dernier Tango à Paris», l’actrice française est morte hier d’un cancer à l’âge de 58 ans.
Maria Schneider a été l’irréductible vagabonde du cinéma moderne. Née en mars 1952 du mannequin Marie-Christine Schneider et du comédien Daniel Gélin (qui ne l’a pas reconnue), elle quitte
le foyer familial à 15 ans et vit d’illustrations pour des menus de restaurant, mannequin junior pour des jeans. Sa vie prend une autre tournure avec
sa rencontre, en 1969, de Brigitte Bardot sur le plateau des Femmes, de Jean Aurel, pour lequel elle était engagée comme figurante. BB se prend d’affection pour ce chiot perdu sans
collier, lui offre le gîte et la prévient des différents travers du métier ; Alain Delon l’impose dans Madly (Roger Kahane, 1969) et elle est de l’aventure hippy
de What a Flash ! de Jean-Michel Barjol.
intelligence. Elle n’a que 19 ans lorsque son amie Dominique Sanda, pressentie pour jouer le rôle principal du Dernier Tango à Paris mais enceinte (de Jean-Louis
Trintignant), la présente à Bernardo Bertolucci. Réticente à la lecture du scénario, Maria Schneider repousse la proposition. Son entourage la convainc d’accepter - en face d’elle se trouve le
meilleur acteur au monde, Marlon Brando.
A sa sortie en décembre 1972, le Dernier Tango à Paris suscite un tollé prévisible tout en devenant un classique instantané : dans un appartement vide près du pont Bir- Hakeim, un
Américain esseulé à Paris vit une liaison désespérée avec cette jeune au charme poupon et au timbre enroué. Détournée, la motte de beurre devient l’insigne du film, et les pour et les contre se
l’envoient au visage, le Tango se résume peu à peu à sa sodomie (conspirée par Brando et Bertolucci, sans que l’actrice ait été prévenue. Le cinéaste reconnaîtra plus tard qu’il
s’agissait d’une forme de viol). De son propre aveu, elle est «trop jeune, mal préparée» au scandale, et ce film sera sa croix (au point qu’hier soir, en guise d’hommage, Bertolucci
lui demandait «pardon»!).
Un film qu’elle jugera toujours avec sévérité, c’est-à-dire à l’horizon de son intelligence redoutable : «Bertolucci, audacieux ? Peu de gens savent qu’à l’origine mon personnage était
celui d’un garçon - ce qui rend toute relative la soi-disant modernité provocante du film, non ?» Son admiration, elle la réservait à Marlon Brando : «Il a réalisé une partie de la
mise en scène, dictant à un Bertolucci soumis ce qu’il devait faire», dévoilait-elle à Libération en mars 2001. Elle sort épuisée du Tango et se réfugie,
littéralement, dans le cinéma - plus traditionnel - de René Clément, tenant la Baby-Sitter comme le premier film où elle fut enfin dirigée. Avant de rejoindre Barcelone, où
Michelangelo Antonioni lui offre le premier rôle aux cotés de Jack Nicholson dans Profession reporter. Le film s’impose comme le point d’orgue d’une thématique de l’errance qui ne
cesse d’irriguer le cinéma. Maria Schneider y campe, face au reporter pirandellien que joue Nicholson, une jeunesse hors-limite et vivante.
Animal. Ce qui frappe, à revoir le film, c’est à quel point Maria Schneider y est, et pour la dernière fois, absolument présente. Son sex-appeal animal rime encore avec une
soif de jouer : elle se sent chez elle chez Antonioni, cinéaste de la femme - elle qui eut le choc cinéphile à 15 ans en découvrant Blow Up. «Lui au moins ne manipule
pas», se souvenait-elle en 2001, (suivez mon beau regard de myope…). Le second rôle, au mitan des années 70, la verra se lier d’amitié avec une internationale underground dont
elle partageait la radicalité, la virulence et le mode de vie. Rivette lui donne carte blanche pour Merry-Go-Round. Elle suggère pour partenaire Joe Dalessandro, star warholienne.
En 2001, elle confiait ne «pas se rappeler» avoir tourné un des films les plus secrets de Philippe Garrel, Voyage au jardin des morts. Sa façon à elle de dire tout à la
fois la méthode d’un Garrel mêlant vie et cinéma, et surtout ses absences à elle du fait d’une addiction à la cocaïne et l’héro. La bande décadente Daniel Schmid-Werner Schroeter l’accueille
bras ouvert, le premier pour Violanta (1977), le second pour Weisse Reise (1978), tourné en appartement à Zurich. Elle rejoint David Bowie sur le tournage de Just a
Gigolo, et Miou Miou sur celui de la Dérobade, de Daniel Duval. Elle est alors, avec Tina Aumont, Juliet Berto ou Christine Boisson, une icône rock dans un cinéma français qui, à
l’orée des années 80, est en train de redevenir le plus conformiste qui soit.
Ce sont des personnalités iconoclastes telles que Mehdi Charef, Randa Chahal Sabbag ou Cyril Collard, qui lui feront encore confiance au long de ces années 80. Aux autres, Maria Schneider
faisait peur. Malade depuis longtemps, elle a été emportée par un cancer hier matin. On sait qu’elle vivait avec une compagne qui lui avait permis de sortir de la défonce. Qu’une tribu
d’ami(e)s l’entourait d’affection, dont Andréa Ferréol, qui n’oubliait jamais de lui amener du champagne.
Source : http://next.liberation.fr/culture/01012317889-maria-schneider-se-derobe