« Vivre avec les bêtes s’apparente à une sorte de maternage. J’ai une aptitude à renifler leurs souffrances. » Brigitte Bardot en 2016, avec l’un de ses neuf chiens. Collection particulière Brigitte Bardot
Brigitte Bardot qui a renoncé à sa carrière pour lutter contre la maltraitance publie aujourd’hui « Larmes de combat », ses Mémoires de militante pour les animaux
Comment ne pas avoir le cœur battant lorsqu’on s’apprête à rencontrer « la petite fiancée de Paris Match », dont les photos tapissent les murs de notre journal ? En décembre dernier, le très sérieux « New York Times » recensait ainsi les trois plus grands personnages français : le général de Gaulle, Johnny Hallyday et elle, Brigitte Bardot. Si j’ai raté l’école pour voir l’homme du 18 Juin visiter, en 1962, le stand Simca au Salon de l’auto, rencontré Johnny à Quiberon puis à l’Elysée sous la présidence de Jacques Chirac, il me restait à approcher BB. Enfant, j’avais eu le fugace privilège de la croiser un samedi chez Marquinot, son coiffeur, qui était aussi celui de ma mère. A son entrée dans ce salon parisien, tout le monde s’arrêtait de bavarder pour admirer son incroyable beauté, sa démarche altière, son port de tête majestueux. Souvenir inoubliable que j’ai osé lui raconter en pénétrant sur la pointe des pieds dans sa ferme, La Garrigue, nichée à quelques battements d’ailes de mouette de Saint-Tropez. Elle s’est alors mise à rire, je l’ai sentie presque apprivoisée.
C’est ainsi, dans ce lieu magique où les animaux sont les maîtres et où le temps semble figé, que notre entretien a commencé sous la surveillance de Gitane, la jument grise, apparue sur le pas de la porte… Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de « confesser », une après-midi entière, cette femme libre, souriante, sans fard, au regard malicieux. Tellement spontanée qu’elle ne paraît pas savoir combien elle reste séduisante. Un moment de grâce. Ce reportage dans son univers émouvant confirme qu’il faut rencontrer les gens dans leur vie privée pour mieux les cerner. Chez elle, les chiens n’aboient pas, les chats ne miaulent pas, les oies ne gloussent pas, l’âne ne brait pas, comme s’ils partageaient avec Brigitte un langage secret, complice. Mais elle m’a parlé celui de la franchise, livrant sans se cacher les contours de sa personnalité. A la fin de notre rencontre, le cœur serré de la voir s’éloigner, sereine, entourée de son quarteron de setters dans une vieille Renault blanche aménagée pour eux, je me suis dit que cette grande dame est aujourd’hui plus Brigitte que Bardot.
Je veux vaincre l’indifférence des gouvernements et des peuples vis-à-vis des animaux
Paris Match. Vous êtes toujours un mythe et un phénomène social…
Brigitte Bardot. Pas du tout du tout du tout ! Je vis très simplement avec mes animaux et pour ma fondation. Loin de ce qu’on avait baptisé la “bardolâtrie”, quand les gens me poursuivaient pour des autographes. Je veux vaincre l’indifférence des gouvernements et des peuples vis-à-vis des animaux. C’est mon amour pour eux et ce combat qui, jour après jour, me donnent à mon âge cette force. Par ailleurs, je ne parle que si j’ai quelque chose à dire. On emploie trop de mots pour rien ou pour balancer des conneries. Avec les animaux, on se regarde, on communique avec les yeux. C’est le langage corporel.
Comment vivez-vous, à présent, à Saint-Tropez ?
Je me réveille à La Madrague vers 9 heures, m’occupe de mes neuf chiens et six chats, puis de moi. Après, j’appelle la fondation pour un tour d’horizon. Bernard, mon compagnon et mari, me sert d’intermédiaire avec les fax et les e-mails. Je n’ai ni ordinateur ni tablette. Pas même de portable, cet instrument qui sert aussi à faire d’horribles selfies – on ne peut aller nulle part sans que quelqu’un se colle à vous ! La journée commence donc avec le courrier. Je reçois quelque 60 à 70 lettres par jour. Je réponds moi-même à celles qui sont importantes ou me touchent. A 13 heures, je vais à La Garrigue, ma ferme, retrouver mes autres animaux, une cinquantaine, parmi lesquels Candy le poney et Bonhomme l’âne, vivant en liberté en compagnie de sept cochons, huit chèvres, autant de moutons, deux boucs, une tortue, des oies, des canards, des poules et dix-sept chiens et chats. Là, je me consacre à la fondation. En trois décennies, elle a pris beaucoup d’importance. Vers 18 heures, fatiguée, je regagne La Madrague. Il faut reconnaître que je n’ai jamais eu autant de travail que maintenant, à 83 ans ! Je dîne avec Bernard, passe quelques coups de fil et me couche. Je ne vais jamais à Saint-Tropez. Non seulement pour ne pas risquer de provoquer d’émeute ou me mettre en danger, mais parce que ça n’a plus rien du petit port de pêche que j’ai connu. C’est devenu une vitrine du luxe, un lieu sans âme.
Comment avez-vous rencontré votre mari ?
En allant prendre un verre chez Me Bouguereau, l’avocat qui s’occupait de ma fondation. Un jour, une amie, plutôt comme il faut, veut m’entraîner alors que, revenant de La Garrigue, je porte un pantalon dégueulasse. Je lui réponds : “S’il faut se mettre chic, oublie.” Elle insiste : “C’est rigolo, ton avocat est charmant. Ecoute, Brigitte, on y va.” Bon, nous y sommes allées. Bernard était là, je ne l’avais pas remarqué. Au moment de partir, il m’a rattrapée par la main et m’a lancé : “Et moi, on ne m’embrasse pas ?” Voilà comment tout a commencé. Et cela fait un quart de siècle que ça dure ! Un homme charmant, joyeux, agréable de contact, sage et en même temps très comme tout le monde. Autre qualité, il accepte que trois ou quatre animaux dorment sur notre lit, certes très grand – de toute façon, s’il refusait, il ne serait pas mon compagnon. Protecteur, autoritaire, impatient… Quelquefois, il y a des pugilats. Ce n’est pas un romantique regardant le clair de lune à mes côtés mais quelqu’un de très intelligent, c’est important. Il passe la majeure partie de son temps le nez dans son ordinateur.
Je n’apprécie ni les ramollos ni les lâches. [Rires.] Mais les gens affirmés, qui n’ont pas peur de s’exprimer
Que partagez-vous ?
L’amour des animaux, ses conseils avisés pour ma fondation. Il est assez tacticien et a le sens de la communication, ce qui n’est guère mon cas. Il m’apporte beaucoup… Mais ne me demandez pas ce qu’il faisait auparavant ! Des affaires en Afrique, je crois. Des trucs avec des films, notamment…
Vous auriez dû épouser un vétérinaire !
[Rires.] Sans doute, mais c’est trop tard !
Vous avez déclaré un jour : “Je n’aime pas ce qui est mou.”
En effet, je n’apprécie ni les ramollos ni les lâches. [Rires.] Mais les gens affirmés, qui n’ont pas peur de s’exprimer. On est dans une période où dès que l’on dit ce que l’on pense, on se retrouve à la 17e chambre correctionnelle de Paris. Ce qui m’est quand même arrivé cinq fois car je reste droite dans mes bottes, sans changer d’avis comme de pantalon.
Dans sa chambre, à Saint-Tropez en 1980.
Revenons aux hommes que vous avez aimés…
Ah non ! Quand c’est fini, c’est vraiment fini. C’est comme le cinéma. Des souvenirs pénibles. Partout où je passais, j’étais traquée. J’ai encore du mal à comprendre ce qui m’est arrivé, une sorte d’enchaînement incontrôlable m’ayant rendue très méfiante à l’égard de la race humaine. Je n’ai quasiment pas gardé de relations dans ce milieu, d’autant qu’à mon âge il me reste peu d’amis de ces années-là. Mes seules attaches : un peu Delon, Belmondo, Mylène Demongeot, Robert Hossein. On se téléphone une ou deux fois par an, un lien surtout dû aux animaux, sujet qui nous rapproche.
Que pensez-vous de ces actrices dénonçant le harcèlement sexuel ?
Concernant les actrices, et pas les femmes en général, c’est, dans la grande majorité des cas, hypocrite, ridicule, sans intérêt. Cela prend la place de thèmes importants qui pourraient être discutés. Moi, je n’ai jamais été victime d’un harcèlement sexuel. Et je trouvais charmant qu’on me dise que j’étais belle ou que j’avais un joli petit cul. Ce genre de compliment est agréable. Or il y a beaucoup d’actrices qui font les allumeuses avec les producteurs afin de décrocher un rôle. Ensuite, pour qu’on parle d’elles, elles viennent raconter qu’elles ont été harcelées… En réalité, plutôt que de leur profiter, cela leur nuit.
Quel est votre souvenir le plus marquant sur un plateau ?
C’était en 1960 avec Clouzot, un metteur en scène très exigeant, qui ne laissait rien passer. Dans “La vérité”, j’interprétais à ma façon le personnage qu’il m’avait confié et, dans la scène du procès, pendant le long monologue où j’assurais ma propre défense, cela m’est apparu si vrai et si authentique que, contrairement à ses habitudes, il n’a pas voulu faire d’autre prise, il n’en avait pas besoin.
Malgré un passé mouvementé, vous semblez structurée.
Question d’éducation ! J’ai été élevée très sévèrement, avec de grands principes bourgeois. Et cela, on ne s’en défait jamais. Heureusement, parce qu’ils ont été une base, un socle. Même si, après, j’ai tout envoyé bouler avec bonheur, j’ai gardé l’aisance que donne ce genre d’éducation. Ainsi, je suis capable de me tenir de façon impeccable à table et ailleurs, je peux m’adapter partout. Certes, mes parents, qui m’avaient inscrite à l’institut de La Tour, école catholique, juste à côté de chez nous, dans le XVIe, ne rêvaient pas du tout que j’épouse Vadim ! Pour eux, une vraie catastrophe. Ils ont essayé de me guider vers la bourgeoisie rassurante, avant de comprendre que c’était impossible. Je n’étais pas faite pour le milieu de mon père, un industriel fort distingué à la tête des usines Bardot d’Air Liquide. Papa, qui avait une belle allure, fréquentait les cercles élégants de son temps.
J’ai quand même sauvé mon premier animal à 8 ans, une souris grise que mon père voulait assommer à coups de balai
Etait-il admiratif de sa fille ?
Cela lui faisait plaisir que l’on sache qu’il était le père de Brigitte Bardot, une star.
Parlez-moi de votre fils.
J’avais 25 ans quand Nicolas est né. Mal dans ma peau, fatiguée par les films, usée par une presse qui me pourchassait et, en dehors de “Jours de France” et Paris Match, était avec moi impitoyable. Dès lors que je n’arrivais même pas à maîtriser mon propre équilibre, j’en prenais plein la gueule. Ce n’était sûrement pas le moment d’avoir un enfant ! Je me suicidais toutes les trois minutes, je ne faisais que des conneries. Mais on ne choisit pas. Le timing était mauvais et tout le monde en a souffert. Cette situation s’est apaisée il y a quelques années. Nicolas, qui vit en Norvège, vient me voir tous les ans. J’ai aussi deux petites-filles et deux arrière-petits-enfants.
A la Fondation Brigitte Bardot, en 2004
Et votre mère ?
Ma mère a été fière de moi lorsque j’ai commencé à m’occuper des animaux et que je suis allée sur la banquise combattre le massacre des phoques. Là, elle a trouvé cela extrêmement courageux.
Enfant, aviez-vous des animaux ?
Non, parce que pendant la guerre c’était impossible dans un appartement, où de toute façon on n’avait rien à bouffer. J’ai quand même sauvé mon premier animal à 8 ans, une souris grise que mon père voulait assommer à coups de balai dans la cave. Je l’ai récupérée, mise sous mon pull-over, gardée un moment sur moi. Et quand j’ai vu qu’elle allait mieux, je l’ai relâchée dans un jardin.
Si vous deviez raconter BB en trois phrases à de jeunes étudiants ?
[Léger silence, elle médite.] Je leur résumerais : Bardot, ouverte à une grande compassion, courageuse, faisant passer la douleur des autres avant la sienne. Rien d’autre. Parce qu’au fond, BB, ils s’en tamponnent. Mais j’essaierais de leur communiquer l’amour des animaux, de leur expliquer qu’il faut empêcher qu’ils souffrent, là est l’essentiel. Et je leur confierais que je m’occuperai de ma fondation jusqu’à mon dernier souffle.
Avez-vous peur de la mort ?
La maladie, la souffrance, la mort, c’est grave et pas trop rigolo, n’est-ce pas ? Comment prétendre le contraire ? Mais puisque c’est inéluctable, il faut essayer de l’apprivoiser. Quand j’ai eu un cancer du sein, ça a été très difficile. J’étais toute seule et j’avais décidé de faire uniquement de la radiothérapie, et pas cette épouvantable chimio, pour ne pas perdre mes cheveux. Elle détruit le mal mais aussi le bien et on en sort anéanti. Je vois des gens qui, après cette épreuve, sont des loques. Jamais je ne voudrais passer par là. Cette maladie m’a obligée à me retrouver face à moi-même. Et maintenant, si j’aime bien parfois la solitude, je ne peux néanmoins vivre seule.
Surmonter ce cancer a été votre plus belle victoire ?
Je n’ai pas paniqué, pensant que je vaincrais, que je n’allais pas mourir. C’est resté secret jusqu’au jour où le mal a été derrière moi. Cela fait une bonne trentaine d’années, maintenant. Mais ma plus belle victoire est celle que je n’ai pas encore obtenue pour les animaux.
Vous ne voulez plus sortir dîner ?
Pour m’attabler et bouffer du caviar extrait du ventre de ces pauvres esturgeons à des prix phénoménaux ? Quelle honte ! Les grands restaurants m’écœurent ; ils ne font quasiment que des plats à base de viande, c’est-à-dire d’animaux qui ont souffert. Je ne vais jamais au restaurant et suis végétarienne. L’été, je mange des sardines à l’huile.
Pour lancer ma Fondation, je me suis installée pendant deux mois sur le marché de Saint-Tropez pour vendre mes souvenirs, des bracelets, des colliers rapportés du Brésil, du Mexique, des photos que je dédicaçais, mes jupons, mes chapeaux…
Au fond, vous êtes toujours “Babette s’en va-t-en guerre” !
Concernant les animaux, bien sûr. Pour les rituels, on devrait étourdir l’animal avant la saignée, abolir l’hippophagie, c’est-à-dire arrêter de manger ces bêtes magnifiques qu’on continue à tuer dans des abattoirs avec une cruauté qui me fait vomir. Je ne sais pas pourquoi on ne m’accorde pas cette abolition, comme celle de la chasse à courre. C’est aussi scandaleux que les corridas. Il faut interdire également les zoos misérables, avec des cages de 3 mètres sur 3 où les animaux qui ne peuvent bouger dorment dans leurs excréments, et les fauves derrière des barreaux dans les cirques. Les grandes réserves, ça n’a rien à voir, c’est formidable. Thoiry, par exemple, où un jour j’ai fait des photos, Beauval où est né Mini Yuan Zi, le panda, et d’autres… On doit par ailleurs interdire de faire voyager des animaux dans les soutes, où ils sont plongés dans le noir avec juste une loupiote bleue. Une horreur, entre le bruit assourdissant des moteurs, les sensations de trous d’air et le reste… Je ne suis pas sûre que les courses de traîneaux avec des chiens, même s’ils aiment bien courir, soient bonnes pour leur cœur… D’autre part, les pouvoirs publics devraient inciter les maisons de retraite à accueillir les petits chiens et chats de ceux qui viennent y finir leurs jours, car c’est souvent leur dernier lien social, et en général ils n’ont pas un berger allemand…
Votre fondation, c’est votre vie.
Nous avons fêté en 2016 nos 30 ans. J’ai commencé très modestement en 1986 à La Madrague, avec un avocat tropézien et une amie. La chambre d’invités me servait de bureau. J’avais besoin, pour obtenir le statut de fondation, d’un capital de 3 millions de francs. Or j’étais incapable de réunir une telle somme : peu attachée à l’argent, j’avais dilapidé la majorité de mes gains de star et je n’avais plus aucun autre revenu. Je me suis installée pendant deux mois sur le marché de Saint-Tropez pour vendre mes souvenirs, des bracelets, des colliers rapportés du Brésil, du Mexique, des photos que je dédicaçais, mes jupons, mes chapeaux… Dans la foulée, j’ai mis aux enchères, à Paris, tout ce que je possédais de valeur : les bijoux précieux que m’avaient offerts mon mari Gunter Sachs, ma robe du mariage avec Vadim, de l’argenterie, des meubles et même ma guitare. Au moment de cette vente, en voyant mes objets et une partie de mon âme, d’une certaine manière, me quitter, j’ai prononcé cette phrase restée célèbre : “J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes, maintenant je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux.” C’est comme cela qu’a pu naître ma fondation. Je lui ai tout cédé : ma petite maison de campagne de Bazoches, La Madrague dont je n’ai gardé que l’usufruit et qui reste à ma charge personnelle. Enfin les droits d’auteur de mon livre, qui sort le 25 janvier, seront tous reversés à ma fondation.
En août 1967, BB et son fils Nicolas font la couverture de Paris Match.
Etes-vous superstitieuse ?
Pour certaines choses. J’ai notamment peur du chiffre 13. Je devais récemment me rendre à Paris un 13, j’y ai renoncé. De toute façon, en dehors de la capitale, je ne veux plus voyager.
Croyez-vous à l’astrologie ?
La vraie, sûrement. On est en train de traverser une période extrêmement négative, me semble-t-il. Cela signifie que des planètes dégagent de mauvaises ondes. Balance ascendant Sagittaire, je pense que les gens du même signe ont des dénominateurs communs, mais avec des différences d’ascendants qui donnent des personnalités aux caractères contrastés. Comment imaginer que tous ceux d’un même signe puissent se ressembler ?
S’agissant d’Emmanuel Macron, j’ose être optimiste car il a remis entre les mains de Nicolas Hulot certains dossiers sur lesquels j’espère son soutien
Vous avez eu huit présidents de la République à vos pieds…
Ah, vous croyez ? Peut-être, mais je m’en foutais. Ce qui m’intéressait, c’est qu’ils m’aident dans mes combats. Sauf de Gaulle. Lui, c’était différent. De Gaulle, je l’adorais. A l’Elysée, je n’ai pas dit : “Bonsoir Monsieur le Président de la République” mais “Général”. Il m’a répondu en souriant avec gentillesse : “Madame, c’est le cas de le dire.” J’étais habillée en militaire avec une veste à brandebourgs… Ensuite j’ai rencontré Georges Pompidou, avec qui je dînais assez souvent chez Marie-Hélène et Guy de Rothschild. Il était chaleureux, affable, rigolo, pas du tout imbu de sa personne. Je sais que si j’avais eu quelque chose à lui demander, il m’aurait aidée. Après, il y a eu Valéry Giscard d’Estaing, absolument charmant lui aussi, et qui m’a soutenue deux fois. Il a fait stopper l’importation en France des peaux de blanchons, les bébés phoques blancs. Et également les expérimentations pour les ceintures de sécurité avec des singes sanglés dans des voitures propulsées contre un mur de béton. Un massacre ! Après, on s’est souvent téléphoné car je lui en étais reconnaissante. Et, un jour, il est venu chez moi à Paris… Passons à Mitterrand, qui m’a invitée à déjeuner à l’Elysée. J’ai évoqué diverses questions animalières, dont trente urgentes. D’un air hautain et prudent, il m’a assuré qu’il s’en occuperait… Rien n’a suivi ! Quant à Chirac, il m’appelait sa “petite biche”, me faisait un peu la cour et me déclarait que j’étais toute mignonne. Je n’y prêtais guère attention ; moi, mon but était qu’il fasse, entre autres, fermer les animaleries des quais. Et là, il n’y avait plus personne. Quant à Nicolas Sarkozy, il a été décevant lui aussi. J’étais d’abord allée voir le recteur Boubakeur, à la grande mosquée de Paris, pour m’assurer que le Coran admettait l’étourdissement de l’animal avant qu’il ne soit saigné. Je voulais obtenir cette mesure pour les abattoirs. Il m’a reçue, mais aucun résultat ! François Hollande, je me suis juste entretenue au téléphone avec lui pour l’alerter sur le braconnage des éléphants en Afrique. Il a tenu parole. Et quand je lui écrivais, il me répondait toujours. Je trouve cela d’autant plus correct qu’il savait que je n’étais pas de son bord. S’agissant d’Emmanuel Macron, j’ose être optimiste car il a remis entre les mains de Nicolas Hulot certains dossiers sur lesquels j’espère son soutien. Même s’il n’a pas encore pris directement position à ma lettre ouverte au gouvernement français du 27 décembre, dans “Le Parisien”, où j’énonçais les mesures prises contre la maltraitance aux animaux par nombre de pays de l’Union européenne.
Quand vous n’y arrivez pas, vous priez ?
Absolument. Je ne crois pas aux messes, aux prêtres, à toute la hiérarchie de l’Eglise catholique, mais je m’adresse directement à la Sainte Vierge. Je l’appelle “ma petite Vierge”.
Et le Pape ?
Celui que j’aimais, c’était Jean-Paul II. Le jour de 1996 où j’étais venue à l’audience générale du mercredi, il a pris mes mains et, quand il m’a fixée droit dans les yeux avec ce regard bleu extraordinaire, j’ai alors ressenti une très forte émotion. Il émanait de lui une incroyable profondeur, une grande sérénité. Il ne se mettait pas sur un piédestal. Le seul problème est que, dans la salle des audiences, de pieux Mexicains m’ont reconnue – j’avais naguère tourné “Viva Maria !” dans leur pays. Alors, une clameur persistante de “Viva Brigitte ! Viva Brigitte !” s’est emparée des lieux…
Si vous deviez vous réincarner en un animal ?
Ce serait en mustang, ce grand cheval sauvage et libre de l’Ouest américain. Néanmoins je ne suis pas mécontente de l’existence que j’ai menée. Un jour, quand on évoquera mon nom, j’aimerais que l’on dise : “C’était la fée des animaux.”
« Larmes de combat », de Brigitte Bardot et Anne-Cécile Huprelle, éd. Plon, sortie le 25 janvier. Les droits d’auteur seront reversés à la Fondation Brigitte Bardot.