La lettre de Colette à Brigitte

Publié le par Ricard Bruno

La lettre de Colette à Brigitte

Très chère Brigitte Bardot,

Je vous remercie pour votre si délicat message à l’occasion de mon 150e anniversaire, le 28 janvier. Certes, j’ai quitté le bas monde depuis près de 70 ans, mais les grands écrivains -si je peux faire preuve d’un peu d’immodestie- ne disparaissent jamais.

J’ai trouvé refuge dans le paradis des chats au côté de tous ceux avec lesquels j’ai tendrement vécu dans la réalité comme dans la fiction: Kiki-le-Doucette, La Noire, La Chatte...

Ce sont les autres amours de ma vie au point de m’être grimée en chatte, dans ma seule expérience sur les planches, La Chatte amoureuse.

A l’époque le cinéma n’en était qu’à ses balbutiements, et ma très grande amie Marguerite Moreno m’avait écrit combien il lui avait été difficile de passer de la scène aux studios.

J’admire d’autant plus le naturel avec lequel vous avez évolué devant les caméras depuis que Et Dieu... créa la femme vous a propulsée dans la lumière.

J’oserai dire que vous êtes ma digne héritière.

Dans ce film, comme dans votre vie, vous avez été un symbole de l’émancipation des femmes. Comme moi, vous avez toujours été une femme libre et indépendante. J’oserai dire que vous êtes ma digne héritière.

J’ai bataillé ferme pour m’extraire du carcan phallocrate de la société de mon époque. En littérature, j’ai réussi à me faire un prénom, non sans mal. Mes premiers livres sont sortis sous le nom de mon premier mari, Willy.

J’ai vécu comme bon me semblait, faisant fi du qu’en-dira-t-on: j’ai eu des amants, des hommes et des femmes ; convolé trois fois en justes noces ; mon dernier époux avait seize ans de moins que moi...

J’ai exercé mille métiers à côté de la littérature, ouvrant même une boutique de cosmétiques sur le port de Saint-Tropez.

Pendant 15 ans, j’y ai séjourné régulièrement, accueillant mes amis à la bonne franquette dans ma maison, La Treille Muscate, où j’ai cultivé les plaisirs simples et physiques du jardinage.

Je l’ai revendue en 1939, trop de gens se pressaient, à mon goût, dans le village à la belle saison.

Rien à voir pourtant avec l’affluence estivale que connaît désormais Saint-Trop’, une apocope qui n’est pas étrangère à sa célébrité mondiale.

Vous avez tenu bon à La Madrague contre vents et marées ou plutôt contre les hordes de touristes et les paparazzis. Quelle constance!

Vous avez fait preuve également d’une force de caractère hors du commun en quittant la gloire et l’argent à 39 ans, cela fait déjà cinquante ans, pour vous consacrer à la défense des animaux.

J’ai toujours considéré mes chats comme des êtres sensibles. J’applaudis à votre combat opiniâtre pour protéger tous les animaux menacés par l’homme. De là-haut, avec mes compagnons à quatre pattes, nous restons vos plus fidèles admirateurs.

Signé : Colette

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