L’appel de détresse de Brigitte Bardot...
Recourant pour la première fois à la radio, Brigitte Bardot supplie les amateurs de viande de cheval de ne plus en manger. Entretien exclusif.
|
Brigitte Bardot : Le désespoir. Cela fait plus de 30 ans que j’essaie de faire comprendre au gouvernement français à quel point il est horrible et inhumain de faire subir aux chevaux tant de souffrances pour satisfaire l’appétit de certains consommateurs. Ça me mine la vie. Le cheval est comme le chat ou le chien : on ne doit pas le manger. J’aimerais avoir l’immense joie de remporter ce combat contre l’hippophagie avant de mourir. C’est pour cette raison que j’ai réalisé ce spot radio. Ça n’a pas été simple. Il ne faut pas dépasser les 30 secondes, ne pas dire « horreur, abattoir, souffrance, scandale… » Alors, avec les mots que l’on m’a autorisé à prononcer, j’ai essayé de lancer un appel de détresse et j’espère du fond du cœur qu’il aura un impact suffisamment fort. Sensibiliser le public est mon dernier espoir.
À l’occasion de vos 80 ans, le 28 septembre 2014, vous aviez demandé au gouvernement l’abolition de l’hippophagie. Que vous a-t-on répondu ?
B.B : François Hollande, charmant comme d’habitude, m’a expliqué que c’était impossible en raison de la conjoncture actuelle. Cela reviendrait, dit-il, « à supprimer des postes dans les abattoirs, à compromettre l’équilibre d’une filière très importante pour la ruralité ». Pourtant, en trois décennies, la consommation de viande de cheval a chuté de 72%, passant de 80 000 tonnes par an à un peu plus de 20 000 tonnes. Elle ne dépasse pas 0,3% de la consommation globale de viande ! C’est encore trop de malheureux envoyés à l’abattoir. La France doit évoluer. Partout dans le monde, je suis considérée comme l’une des figures de proue de la cause animale et au sein même de mon pays, il ne se passe rien. Ce n’est pas normal !
Qui sont ces chevaux destinés à la consommation ?
B.B : Les chevaux de trait et les trotteurs paient le plus lourd tribut. Tous ceux qui ne sont pas aptes à devenir champion finissent à la boucherie. 80% des chevaux abattus en France sont des trotteurs de moins de 10 ans, 20 % sont des poulains de moins de 2 ans. La France importe également des chevaux vivants en provenance des pays de l’Est.
À quand remonte votre combat contre l’hippophagie ?
B.B : C’était en 1973, grâce à Roger Mattia, un ancien militaire qui avait pris conscience des effroyables conditions de transport des chevaux depuis les pays de l’Est vers la France. Il m’a détaillé les horreurs qui se déroulaient dans les wagons à bestiaux. Puis il m’a montré les images de ces chevaux aux pattes brisées durant leur transport, les femelles gestantes mettant bas, leur bébé piétiné par leurs congénères terrifiés de peur… J’ai assisté moi-même à ce spectacle insoutenable en juin 2000, à Gorizia, à côté de Trieste. Avec l’équipe de ma Fondation, nous avions bloqué un convoi de camions de moutons et de chevaux destinés à la boucherie. Le convoi venait de Slovénie et remontait jusqu’à Paris. Douze heures de route dans un camion surchauffé durant lesquelles, comme d’habitude, les bêtes n’auront ni eau, ni nourriture, ni le droit de se dégourdir. J’ai fait un scandale et obligé les responsables à laisser sortir les animaux pour que nous puissions les alimenter et les abreuver. Les moutons n’étaient pas tondus, il y avait des cadavres partout. Les chevaux avaient une corde autour du cou. Ils étaient pelés. Certains boitaient, ils avaient les yeux crevés ou exorbités d’horreur. Je suis sortie de là comme on sort de l’enfer.
Les professionnels de la viande chevaline s’évertuent pourtant à répéter que « la maltraitance animale n’a pas sa place au sein de leur filière »…
B.B : C’est faux et rien n’a changé ! L’enquête réalisée en 2009 par ma Fondation le prouve : les chevaux sont frappés, malmenés. On les transporte depuis la Pologne durant 38 heures sans jamais les nourrir ou les faire boire. Mais qu’importe puisque mortes ou pas, les bêtes partent à l’abattoir ! Et là, l’enfer continue. L’étourdissement n’est pas respecté et certains chevaux reprennent conscience durant la saignée.
Réseaux de distribution, lobbys équins… : la filière de la viande chevaline dispose de puissants alliés. Comment faire face ?
B.B : Il faut refuser de manger de la viande de cheval pour ne plus être complice de toute cette cruauté. Et changer la législation. La proposition de loi visant à modifier le statut juridique du cheval en le faisant passer d’animal de rente à celui de compagnie est restée aux oubliettes. Ce serait pourtant la seule façon de mettre définitivement fin au carnage. À la guerre, dans les champs… : le cheval a toujours été fidèle au côté de l’homme et nous n’avons aucune reconnaissance pour lui. Il n’a pas à finir en steak, en rôti ou en lasagnes ! Comme tous les autres animaux d’ailleurs. La souffrance ne se digère pas. Elle est intolérable.
Plus d’infos sur www.fondationbrigittebardot.fr et sur www.jenemangepasdecheval.com
Le spot radio de Brigitte Bardot contre l’hippophagie sera diffusé durant 3 semaines sur les 44 radios locales du réseau France Bleu.