Olivier Falorni: «Le gouvernement se renie en revenant sur le contrôle vidéo en abattoir»
C’était la mesure phare de la proposition de loi présentée par le député Oliver Falorni en janvier 2017 pour améliorer le bien-être animal dans les abattoirs : y rendre le contrôle vidéo obligatoire. Entre-temps, la présidentielle est passée par là et la mesure a disparu…
Le député Olivier Falorni demande lance un appel pour un contrôle vidéo dans les abattoirs, une mesure préconisait dans un projet de loi de janvier 2017 mais qu'a retiré depuis le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert.
- Le projet de loi sur l’Agriculture et les relations commerciales, porté par le ministre de l’Agriculture n’entend pas rendre la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs, mais mettre plutôt l’accent sur la formation et la présence accru sur place d’inspecteurs vétérinaires.
- Ce contrôle vidéo était pourtant l’un des piliers de la proposition de loi du député Olivier Falorni élaborée après six mois d’enquête parlementaire et qu’Emmanuel Macron disait vouloir reprendre à son compte pendant la campagne présidentielle.
- Olivier Falorni dénonce alors un revirement du Président de la république et déplore « l’aveuglement de l’industrie de la viande » qui peine à faire acte d’une plus grande transparence.
En mai, la vidéosurveillance deviendra obligatoire dans les abattoirs de Grande-Bretagne par souci d’y améliorer la transparence et de s’assurer jusqu’au bout du bien-être animal. En France, on n’y est pas encore. Pourtant, le 12 janvier 2017, l’Assemblée nationale votait en première lecture l’une des mesures de proposition de loi du député de Charente-Maritime Oliver Falorni rendant obligatoire le contrôle vidéo dans les abattoirs à partir du 1er janvier 2018.
Mais la présidentielle a stoppé net le processus d’adoption du texte. Or, dans le projet de loi sur l’Agriculture et les relations commerciales, censé reprendre le dossier, « il n’est plus question de vidéosurveillance dans les abattoirs », fustige Oliver Falorni, qui dénonce alors un « reniement » d’Emmanuel Macron. Le député divers gauche, auteur d’une tribune parue dimanche dans Le Parisien, répond aux questions de 20 Minutes.
La vidéosurveillance était l’un des piliers de votre proposition de loi votée « relative au respect de l’animal en abattoir » ?
Cette proposition de loi s’appuyait en fait sur deux piliers. Le premier était de faire de la maltraitance sur animaux en abattoir et dans les transports un délit pénal. C'était déjà le cas dans les élevages ou dans les refuges pour animaux. Mais ni dans les abattoirs, ni durant les transports. Il fallait ensuitese donner les moyens pour caractériser les délits. Le contrôle vidéo dans les abattoirs est cet outil efficace. Ce sont des images qui ont permis de lever l’opacité sur les abattoirs, de révéler des actes de maltraitances, de pousser à la création d’une commission d’enquête parlementaire et même d’entraîner des procès. A Alès il y a un an et à Pau prochainement. Mais ces images ont été tournées clandestinement, par des ONG. Or, l’État a pour mission de contrôler ce qui se passe dans les abattoirs. C’est donc à lui de filmer.
Oliver Falorni, député divers gauche de Charente-Maritime, a présidé la commission parlementaire qui a défendu la proposition de loi sur les abattoirs en janvier 2017.
Votre proposition de loi a été votée en première lecture à l’Assemblée nationale le 12 janvier 2017… Vous vous doutiez alors qu’il faudrait recommencer à zéro après la présidentielle ?
Certes, la campagne présidentielle a stoppé ensuite le processus de navettes parlementaires de ma proposition de loi. Mais, sondé par les associations, Emmanuel Macron avait assuré par écrit que, s’il était élu, « la vidéosurveillance dans les abattoirs, selon des modalités inspirées de la proposition de loi Falorni, sera mise en place ». J’étais confiant, ayant la naïveté encore de croire aux engagements de campagne. Pourtant, il n’est plus question de contrôle vidéo en abattoir dans le nouveau texte de Stéphane Travert. De ma proposition de loi, il n’a retenu que le premier pilier, à savoir les dispositions sur le délit pénal. Du coup, ce texte ne tient que sur une seule jambe. C’est une régression et un reniement de la part d’Emmanuel Macron.
Comment expliquez-vous ce revirement ? Est-ce pour des problèmes juridiques et dans le souci de préserver le droit à l’image des salariés filmés ?
Cet argument a été soulevé à plusieurs reprises en effet, notamment par les organisations salariales. Elles mettaient en garde contre les risques de « flicage » des travailleurs sur des questions de productivité. Nous avons pris en compte ce point dans le texte voté en janvier 2017 en donnant accès aux images filmées en abattoir à l’inspection vétérinaire, et à elle seule, et avec pour finalité exclusive de s’assurer du bien-être animal. Je comprends parfaitement que l’introduction vidéo puisse toujours être un sujet d’inquiétudes pour les organisations syndicales, mais ce sont bien les industriels qui font obstacle aujourd’hui à l’introduction de la vidéo dans les abattoirs. Je suis consterné par l’aveuglement de l’industrie de la viande. Il y a d’un côté une consommation de viandes qui ne cesse de baisser, une exigence des consommateurs qui ne cesse de s’accroître, mais de l’autre côté, une industrie française de la viande qui reste sourde et ne fait pas d’efforts de transparence. Pourtant, à côté de nous, ça bouge. En Grande-Bretagne mais aussi en Wallonie [Belgique].
Plutôt qu’à la vidéosurveillance, Stéphane Travert dit vouloir donner la priorité à la formation des salariés d’abattoirs et privilégier la présence physique des agents vétérinaires sur place…
Opposer formation et vidéosurveillance n’a pas de sens. Imaginerait-on un gouvernement luttant contre les chauffards et se privant des radars ? Certes, l’une des réponses au problème est une meilleure formation des conducteurs. Mais on sait bien aussi qu’il faut également la peur du gendarme et que, sans ces radars, il est bien plus compliqué de contrôler les vitesses. C’est la même chose pour les abattoirs. Il faut une meilleure formation et une meilleure qualification des salariés, mais il faut aussi des contrôles. Quant à renforcer le nombre d’inspecteurs vétérinaires dans les abattoirs, moi, je suis d'accord. Les services vétérinaires y sont certes déjà présents en permanence, mais leur nombre est effectivement insuffisant si bien qu’ils se concentrent alors sur des questions sanitaires et pas sur celle du bien-être animal. Dans notre proposition de loi, nous demandions ainsi la présence permanente d’un agent des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort et la nomination, au moins, d’un inspecteur vétérinaire chargé de la question du bien-être animale. J’ai pu consulter le projet de loi porté par Stéphane Travert lorsqu’il a été soumis à l’avis de la commission « développement durable » de l’Assemblée nationale. Il n’y a aucune mesure qui va dans ce sens. Quoi qu’il en soit, même si on renforçait le nombre d’agents vétérinaires en abattoirs, la vidéosurveillance reste malgré tout un outil indispensable. Elle permettrait à ces inspecteurs de consulter à tout moment les images [elles seraient conservées un mois], de caractériser les délits lorsqu’il y en a mais aussi décharger les salariés lorsqu’ils sont faussement accusés de maltraitance.
Avez-vous encore l’espoir de peser dans le débat ?
Bien sûr, c’est encore le temps du débat. Le projet de loi du ministre de l’Agriculture passe cette semaine devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Puis devant l’hémicycle en mai. Ce sont deux étapes importantes. Quarante associations de protection animales suivent de près ce dossier. Elles sauront se faire entendre.