Initials B.B : amour monstre et nouveau monde...
Dans son roman Almeria 38 : du sang, du sable et des larmes, Philippe Lombard nous plonge dans le désert d'Almería, en compagnie de Brigitte Bardot. L'occasion de se plonger dans la chanson Initials B.B de Serge Gainsbourg. Un monument dédié à l'actrice et chanteuse et à l'amour qui s'enfuit.
Janvier 1968 à Paris. Devant la caméra d’Yves Lefèbvre, sur son Pleyel encombré d’une télévision et d'un verre à whisky, Gainsbourg habillé d’un costume et d’une cigarette française égrène quelques notes… Un arpège mineur qui monte et redescend. Qui finit comme il a commencé sur un sol grave et sombre. Puis Gainsbourg joue ce même arpège mais cette fois, la mélodie débouche sur un accord plus rassurant de si bémol majeur…
Ce balancement harmonique où l’obscurité laisse finalement place à la clarté peut-il s’entendre comme la fin du renoncement et l’espoir de jours meilleurs ? En janvier 1968, Gainsbourg vit mal la fin de sa relation fulgurante avec Brigitte Bardot. Pour transcender son mal-être, il lui écrit une déclaration d’amour démesurée. Si le texte peut faire penser à quelques vers d’Edgar Allan Poe et de Baudelaire, les deux accords du refrain viennent quand à eux tout droit d’une œuvre qui évoque justement un nouveau départ : La Symphonie du Nouveau Monde d’Antonin Dvořák…
Un faussaire de génie
En avril 1967, dans son émission Discorama, la grande intervieweuse Denise Glaser a bien défini le style de Gainsbourg. Un faussaire de génie qui enregistre donc en avril 1968 Initials B.B l’une des premières chansons françaises construite sur le sample d’une œuvre classique. Le sample, échantillon en anglais, c’est cette technique musicale que l’on retrouve beaucoup dans la musique électronique et le rap et qui consiste à utiliser l’enregistrement d’une œuvre préexistante pour composer une nouvelle œuvre. Mais ici, Gainsbourg ne chante pas sur un enregistrement de la symphonie de Dvořák. Cet extrait qui ne dure que quelques secondes dans la symphonie est réinterprété par des musiciens dans le studios Chapell de Londres. Le passage original est réorchestré par un arrangeur anglais avec lequel Gainsbourg avait collaboré en 1965 pour l’album Docteur Jekyll et Master Hyde : Arthur Greenslade…
Arthur Greenslade réorchestre Dvořák
Arthur Greenslade transforme la symphonie de Dvořák. Sur une rythmique rock qui évoque la chanson Ford Mustang, Greenslade confie le thème principal de la symphonie à une trompette soliste tandis que les cordes déploient un contrechant original, sec et plein d’ivresse. Représentation d’un amour monstre, d’une course mentale vers l’être cher et disparu… Par dessus les accords lancinants du piano et la batterie qui devient au fur et à mesure de la chanson de plus en plus incontrôlable il y a aussi un étrange chœur qui met des paroles sur la musique de Dvořák. Aux côtés de la voix parlé-chanté de Gainsbourg justement, le chœur martèle les initiales de Brigitte Bardot. Initials B.B : Symbole d’un amour perdu qui occupe des pensées que le poète n’arrive pas à chasser.