Des lasagnes de la marque Findus, dans un magasin anglais, à Jarrow, le 8 février 2013
Il y aurait de la désinformation sur les productions animales en France et ce serait un scoop ? La bonne blague. Pourquoi le "scandale" Findus/Picard trouve-t-il un tel écho dans les médias ?
Comment se fait-il qu'il y ait des journalistes pour simuler une découverte alors que c’est une évidence pour tous ceux qui connaissent, même de loin, la filière de la viande ?
La désinformation, la tromperie du consommateur, tout cela forme la clé de voûte de cette filière. Il faut d'abord faire oublier que la viande est la chair d'un être vivant, doué de
sensibilité, d'émotions, un être condamné à vivre et à mourir dans les pires conditions.
La "culture" du mensonge
Parler de "bien-être" animal dans les élevages, durant le transport ou l’abattage est déjà un leurre, une insulte, un mensonge dont le seul but est de déculpabiliser le consommateur. En
France, le Centre d’information des viandes (CIV) va encore plus loin dans la désinformation grâce au ministère de l’Agriculture, toujours généreux lorsqu’il s’agit de consacrer des fonds
publics à la propagande de produits d’origine animale.
En février 2011, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) donnait raison à la Fondation Brigitte Bardot dans son action contre la campagne "soyons ferme" du CIV. Deux spots radio, animés par Sandrine Quétier, étaient ainsi interdits d’antenne considérant qu’ils induisaient le public en
erreur.
L'un de ces spots vantait la dimension "artisanale" de l'élevage de porcs en France alors que 90% de la production est issue de cochons élevés en bâtiment et sur caillebotis. L’autre spot
minimisait l’impact de l’élevage des bovins sur l’environnement alors que, selon la FAO, le secteur de l’élevage émet des gaz à effet de serre qui, mesurés en équivalent CO2, sont plus
élevés que ceux produits par les transports.
Dans son dernier livre, "No
steak", le journaliste Aymeric Caron témoigne de cette manipulation institutionnalisée qui cache une réalité que beaucoup de consommateurs fuient plus ou moins volontairement.
Le cheval et le bœuf méritent notre empathie
Il est légitime de s’émouvoir devant la souffrance du cheval transporté dans des conditions effroyables, normal de protester face à sa détresse lorsqu’il est manipulé, avec violence, dans les
abattoirs.
Le cheval bénéficie d’un statut particulier, à mi-chemin entre la vache et le chien. C'est d'ailleurs cette particularité qui a conduit le député Lionnel Luca à présenter, en janvier
2010, une proposition de loi
visant à modifier le statut juridique du cheval, le faisant passer d’animal de rente à animal de compagnie.
Les Français sont de moins en moins nombreux à consommer du cheval, l’hippophagie n’a pas la cote, elle est souvent comparée à la consommation de chiens en Asie, des viandes bon marché pour
des gens rustres…
L’émotion est vive parmi ceux qui ont mangé, à leur insu, du cheval vendu pour bœuf chez Findus ou Picard. Pourtant, tout comme le cheval, le bœuf (et toutes les autres espèces) mérite notre
empathie face aux horreurs que l’homme lui fait subir, en particulier au moment de son abattage.
Le gouvernement opposé à la transparence
Quatorze minutes d’agonie, c’est ce que peut endurer un bœuf ou un jeune veau lorsqu’il est égorgé sans étourdissement préalable lors d’un abattage rituel (rapport de l’INRA Douleurs animales).
Bien sûr, puisqu’il s’agit de viande halal ou casher, le consommateur lambda ne se sent pas particulièrement concerné par ce type d’abattage que la Fédération des vétérinaires d’Europe juge
"inacceptable, quelles que soient les circonstances".
Seulement, la grosse majorité des viandes issues de ce type d’abattage se retrouve dans les circuits classiques sans aucune indication pour le consommateur.
Pour l'abattage, le principe qui préside dans les textes européens est celui de l'interdiction de la mise à mort des animaux conscients, c'est-à-dire l'obligation d'étourdir les animaux de
façon à leur éviter toute souffrance inutile. Toutefois, des possibilités de dérogation sont prévues, notamment lors d’abattages selon des rites religieux.
Manger halal à son insu est inévitable en France
En France, cette dérogation s’est généralisée à l’insu des consommateurs. Dans un rapport de novembre 2011, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces
ruraux précise que 51% des abattages pratiqués en France sont des abattages rituels, alors que les consommateurs musulmans et juifs ne représentent pas plus de 7% des consommateurs français.
D’après
la chambre d’Agriculture d’Ile-de-France, "100% des animaux abattus en Ile-de-France le sont selon les traditions musulmanes et juives".
Les raisons de cette généralisation de l'abattage sans étourdissement préalable sont essentiellement économiques. Elle permet aux abattoirs d'accéder à de nouveaux marchés, celui de la viande
casher et halal, tout en écoulant les invendus sur le marché classique. Or, cet écoulement se fait sans étiquetage particulier.
Cette tromperie du consommateur est volontaire puisque Bruno Le Maire et Brice Hortefeux, lorsqu’ils étaient respectivement ministre de l’Agriculture et ministre de l’Intérieur, se sont
opposés à l’étiquetage des viandes et ont mis en échec la proposition adoptée par le Parlement européen, en avril 2011, d’une traçabilité passant par un étiquetage précisant les conditions
d’abattage des animaux.
Bannir tout produit d’origine animale
Stéphane Le Foll, alerté
par la Fondation Brigitte Bardot dès son arrivée au ministère de l’Agriculture, n’a rien fait pour assurer la traçabilité des viandes issues de l’abattage rituel. Alors les grandes
déclarations du jour, concernant le micro scandale de la viande de cheval, devrait être mis en perspective du scandale national de la viande issue d’animaux égorgés à vif, en toute
conscience, puis distribuée à grande échelle, dans tous les circuits et sans étiquetage spécifique.
Le président de la République et son ministre de l’Agriculture se sont engagés à faire toute la lumière sur la vente de viande de cheval étiquetée bœuf, mais ils ne sont pas prêts à faire la
lumière sur la viande issue de l’abattage rituel qui s’est généralisée au point d’être devenue incontournable en France.
Pour ne plus être complice, pour ne plus consommer des viandes issues d’abattages cruels, le mieux est encore de bannir définitivement de son alimentation tout produit d’origine animale.
Car finalement, s'il est choquant de manger du cheval, il l'est tout autant de manger du bœuf, du poisson, du poulet, du porc, etc. Chaque morceau de viande consommée entraîne un nouveau
meurtre en abattoir : l'égorgement par procuration c'est pratique, ça n'entache pas trop la conscience, du moins, jusqu'à l'éveil de la conscience...