"Et Dieu créa la femme" a 57 ans : ce jour où Brigitte Bardot a libéré la sexualité!
Le 28 novembre 1956 sortait en salles le film qui propulsa Brigitte Bardot au rand des stars internationales. "Et Dieu... créa la femme" de Roger Vadim avait alors déchaîné une foule de sentiments
pour cette héroïne qui faisait chavirer le cœur des hommes. 57 ans plus tard, le médecin Yves Ferroul, auteur de nombreux ouvrages sur la sexualité des femmes, a souhaité lui rendre hommage.
À la fin des années cinquante, la société va subir l’irruption de la libération sexuelle. Une actrice personnalise ce bouleversement : Brigitte
Bardot, dont le mythe est un peu trop oublié aujourd’hui. Malgré les tentatives de démonisation dont elle est l’objet, et que dirige le Vatican, l’actrice diffuse dans le monde entier une
image séduisante de la sexualité, rieuse, légère, naturelle, spontanée, aux antipodes du discours dominant. Plus rien ne sera comme avant… L’anniversaire de la sortie du film "Et Dieu créa la femme" peut être l’occasion d’un exercice de mémoire nostalgique.
Une héroïne qui
exprime son désir comme un garçon
"Et Dieu créa la femme sort" à Paris le 28 novembre 1956, il y a 57 ans. Le film est lancé dans de mauvaises conditions et ne sera apprécié que petit à petit, le temps pour les spectateurs
de s’identifier à l’actrice et d’être fascinés par la nouvelle féminité qu’elle propose : orpheline, l'héroïne n’a pas d’autre bien que son corps et sa beauté, et elle veut se servir d’eux
pour conquérir sa liberté dans une société d’hommes.
Or, cette société voulait ne lui offrir comme choix que l’alternative entre se retrouver enfermée au pensionnat ou se marier, les deux seuls cadres de vie concevables pour une jeune fille, afin
qu’elle soit "protégée".
Mais les Françaises venaient d’obtenir le droit de vote en 1945, et cette égalité de citoyennes avec les hommes servait de base à un rêve d’égalité dans le désir et le plaisir : le film
montre bien que les hommes font ce qu’ils veulent, ne sont pas jugés, et que seul le personnage féminin se voit reprocher sa conduite, pas son amant.
Or, l’héroïne exprime son désir et vit sa sexualité en agissant comme un garçon, sans tenir compte du rôle que la société veut imposer à son sexe. Elle ne s’occupe pas des convenances, ni des
travaux ménagers (pourtant dévolus aux femmes), mais pense seulement à jouir sans entraves. L’actrice leur tend une image de la femme qui ne peut que les fasciner :
"Avec son jeu d’actrice, la sexualité féminine atteint un degré de franchise et de naturel qui corrige véritablement, peut-être pour la première fois dans le cinéma érotique, l’image de la femme
forgée dans l’'Occident chrétien'." (Eugen Drewermann, "Fonctionnaires de Dieu", Albin Michel, 1993 (1989), p.446)
Le choc est grand.
Quand on
parlait de sexualité, c'est elle que l'on voyait
Massivement, les Françaises vont adopter le personnage joué par Brigitte Bardot, se coiffer comme l’actrice, s’habiller comme elle. Et vont vouloir vivre comme l’héroïne une sexualité légère, de
plaisir, sensuelle, naturelle, spontanée, exempte du caractère sulfureux qu’elle avait quand elle était incarnée par les grandes stars en vogue alors. Elles se retrouvent dans cette "féminité
indivisible, qu’on ne peut arbitrairement ni simplifier, ni non plus aisément démoniser ou caricaturer".
Mais les défenseurs des "bonnes mœurs" veillent. En France, ils imposent la coupure de certaines scènes, en Grande-Bretagne aussi. Aux USA, ils tentent de faire interdire le film dans certains
États, et dans d’autres tentent d’acheter à l’avance tous les billets pour empêcher les fidèles de voir ce film maudit. L’archevêque de Lake Placid va même jusqu’à promettre l’excommunication à
ceux qui braveraient l’interdit jeté sur lui. Le chef de la police de Dallas en défend la représentation dans les salles réservées aux Noirs, car cela risquerait de les exciter et de provoquer
des désordres…
Bien sûr, tout ce remue-ménage ne fait qu’attiser la curiosité et contribue au succès phénoménal du film, ainsi qu’à la notoriété de Brigitte Bardot. Le général De Gaulle reconnaîtra l’actrice
comme concurrente en popularité (avec Tintin), prenant acte qu’elle rapporte cette année-là à la France plus de devises que la Régie Renault, avant d’être le symbole de la République en servant
de modèle à Marianne.
Les adversaires n’abandonnent pourtant pas. En 1958, à l’Exposition Universelle de
Bruxelles :
"Le pavillon du Vatican avait réservé une salle aux saints, au Bien, aux miracles, alors qu’une autre était dédiée aux méfaits du Mal, du démon, de la luxure et de l’enfer. Dans cette dernière, une
photo de Brigitte Bardot dansant le mambo endiablé de Et Dieu créa la femme représentait le vice sous toutes ses formes. L’image et la vie de l’actrice étaient associées au scandale, à
l’immoralité, au péché de chair, au symbole de la dépravation." (www.lamediatheque.be)
Mais il était trop tard. L’élan était donné, et il était devenu très difficile de faire peur de la sexualité en continuant à en présenter des caricatures négatives. Brigitte Bardot était passée
par là : désormais, quand on parlait de sexualité, c’est elle que tout le monde voyait. Et, franchement, cette image n’avait rien de repoussant.
Merci, Madame !
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