Certes compatissant à la douleur qu'a pu éprouver Chanel, ce beagle laminé par son maître à coups de barre de fer. Mais bon. L'homme se demande quand même si tout ce tapage n'est pas un tantinet
disproportionné quand, chaque semaine, comparaissent ici des trafiquants de drogue, des voleurs, des violeurs...
L'affaire qui s'apprête à être plaidée, ce vendredi matin, attise pourtant la curiosité. France 3 a déployé les moyens d'un direct. Des avocats de Paris ont fait le déplacement. Ils
interviennent au nom de la SDA, bien entendu, mais aussi de la SPA, de la Fondation Brigitte Bardot, de Trente millions d'amis, de l'Association Stéphane Lamart... Déterminés à ce que
Y. R. paie au prix fort les "sévices" qu'il a fait subir à sa chienne.
Le 18 mars dernier, l'apéro s'éternise au domicile de Y.R., à Bertry. Chanel, l'un des deux chiens du foyer (l'autre étant appelé Dior), s'est terrée derrière un meuble du salon, et la compagne
de Y. R. aimerait bien l'en déloger. Mais elle n'y parvient pas. Et appelle donc à la rescousse. Le ton autoritaire de Y. R. n'y suffit pas, et Chanel montre même les crocs. Alors le maître
saisit-il un paquet de croquettes pour l'amadouer. Le cabot se laisse attirer. Saisie, Chanel est attachée. Et là, Y.R., dans ce qu'il expliquera être «un coup de folie», laisse parler la
colère.
Une colère brutale. La présidente du tribunal relève que c'est armé du manche métallique arraché au tricycle de l'un de ses enfants que Y. R. se met à tabasser la chienne. Qu'il «finit» à
coups de pied et de poing. Si bien que, alertés par une voisine témoin de la scène et horrifiée par les hurlements de douleur poussés par la bête, c'est gisant dans une mare de sang que les
gendarmes découvrent Chanel, les yeux révulsés, respirant difficilement. Le véto diagnostiquera un grave traumatisme crânien et le pronostic vital sera même engagé plusieurs heures durant.
«J'ai buté mon chien, je fais ce que je veux, c'est le mien!>: c'est en ces termes, consignés par les militaires, que Y. R. s'exprimera dans le fourgon qui le mène à la brigade. Certes,
fortement alcoolisé, ses paroles ont dépassé sa pensée, se défend-il. «J'ai tout de suite compris que ce que je venais de faire n'était pas bien».
Mais il n'y a pas que les paroles qui aient été de trop. Les actes, eux, «frisent la cruauté». L'avocate de la SDA est ainsi «sidérée» que le prévenu n'exprime aujourd'hui «aucun regret, aucun
remord». Un «détachement» qui émeut également la défense de la SPA. Le conseil de Trente millions d'amis s'étonne: «Il n'y a pas plus docile qu'un beagle! Si le chien grognait, c'est qu'il
avait peur. Et s'il avait peur, c'est qu'il craignait son maître, sans doute pour avoir déjà été victime de violence». Et de stigmatiser le manque de discernement de ce père de famille, ancien
commercial au chômage, «qui doit à ce titre montrer le bon exemple». Du côté de la Fondation Brigitte-Bardot, on estime que le chien «a servi de défouloir». Et l'on explique que «comme les
animaux ne peuvent pas déposer plainte, il faut bien que des associations s'en chargent». C'est l'avocat de l'Association Stéphane Lamart qui se montre le plus virulent, qualifiant le prévenu
de «tortionnaire», à qui il convient désormais d'interdire de détenir un animal.
«C'était paraît-il la première fois. Mais quelle fois!, s'emporte le procureur. Pourtant, le beagle n'a rien d'un molosse. Comme en témoignent leurs noms, Chanel et Dior, les chiens étaient
plutôt gentils et dociles, sinon les aurait-on appelés Stalone et Van Damme! On dit qu'une personne capable de taper son chien est capable de taper un homme. Y. R. l'a déjà prouvé, condamné
pour avoir tapé sa femme». Et de requérir six mois de prison, dont deux mois avec sursis. Soit quatre mois ferme.
Sans avocat pour le représenter, Y. R. est de retour à la barre en toute fin d'audience. Avec une assurance pouvant apparaître comme une forme de provocation, dans un français impeccable,
il répond à l'arsenal d'arguments déployés par les parties civiles. Pour dire que, bien sûr qu'il «regrette». Et que s'il n'a pas pris de nouvelles de Chanel et Dior, qui lui ont été retirés,
c'est que les gendarmes le lui ont «déconseillé». «J'aimais mes chiens, conclut-il. Ça n'aurait jamais dû arriver. Je ne suis pas un monstre.» L'affaire a été mise en délibéré au 10 juin.