
« Un air de bébé au bord de la faute » ? Un scandale nu qui enfonce la régie Renault sur la balance commercial? Un Fragonard de médaillon rose dansant avec Dario Moreno?
« L'âge d'une fille et le corps d'une sœur » ? BB, ce fut tout cela. On se prend à regretter que la Bardot de 1996 n'ait pas pris M. Nourissier comme répétiteur de
grammaire : le collier de perles en eût été réduit au string exact. B.B. 60, c'est la prose irruptive d'un texte de revue – au double sens militaire et littéraire du mot – où l'on tire la
nappe pour mieux mettre le ton. Un pied sur le champignon atomique, Nourissier signait là un portrait épatant et tapé, décollé de la poêle comme une crêpe qui part au plafond.
Marc Lambron, Le Point, 28 septembre 1996
En 1960, François Nourissier écrit sur Brigitte Bardot un texte croquant comme un radis frais et craquant comme une guêpière rouge. BB 60 fait partie de ces textes imprévus,
bousculés et lumineux dont on tombe tout de suite amoureux, surtout si l'on s'appelle la postérité.
Patrick Besson, L'officiel Homme, Octobre 1996
Nourissier, toujours très bon dans le court, très fort dans le sprint, est à son aise : la femme, le XVIe arrondissement, les voitures, des salles obscures. Pertinence et parfum d'époque :
ces quelques pages contiennent en condensé toutes les années 50.
Éric Neuhoff, Madame Figaro, 2-9 novembre 1996
Brigitte Bardot entre caprice et damnation
Le texte sublime que François Nourissier avait consacré en 1960 à Brigitte Bardot n’a pas pris une ride et je n’aurai pas le mauvais goût d’ajouter ce que vous êtes en train de penser…..Une star
ne vieillit pas. Elle n’en a ni le pouvoir, ni même le droit. La lumière qu’elle a projetée sur nos vies, les désirs qu’elle a fait naître, la protègent contre le temps. Contre le temps qui
dévore tout, mais qui a laissé indemne Louise Brooks, Marilyn Monroe et Brigitte Bardot.
"Pape des Lettres" françaises pendant 30 ans au sein de l'Académie Goncourt, le romancier, critique et éditeur François Nourissier s'est éteint mardi soir à l'âge de 83 ans. L'écrivain à la barbe
fleurie, qui avait placé l'édition au centre de sa vie professionnelle, n'a jamais cessé de publier ses propres livres, largement inspirés de son histoire personnelle.
François Nourissier est mort mardi soir à l'hôpital Sainte-Perine à Paris, des suites de la maladie de Parkinson, selon l'Académie Goncourt. Ses obsèques auront lieu au crématorium du
Père-Lachaise vendredi à 14h.
Né le 18 mai 1927 à Paris, ce fils d'un exploitant forestier est passé par les prestigieux lycées Saint-Louis et Louis-le-Grand, avant des études supérieures à Sciences-Po, à la Sorbonne et à la
faculté de droit. En 1949, il entre dans la vie active, dans le secteur publicitaire. Parallèlement, il s'implique dans l'action humanitaire, au sein du Secours catholique, où il oeuvre en faveur
des personnes déplacées et des réfugiés.
Il publie son premier livre, "L'Eau grise", en 1951. L'année suivante, il fait son entrée dans l'univers de l'édition, en devenant secrétaire général des éditions Denoël (1952-1955). Il sera par
la suite rédacteur en chef de la revue "La Parisienne" (1955-1958), puis longtemps conseiller aux éditions Grasset (1958-1996).
François Nourissier se fait un nom en tant qu'écrivain en publiant "Une histoire française", qui obtient le Grand prix de l'Académie française en 1966. Deux ans plus tard, son roman "Le Maître de
maison" est soutenu pour le Goncourt par Aragon qui, faute d'avoir réussi à l'imposer, démissionne du célèbre jury. En 1970, il reçoit le prix Fémina pour "La Crève".
Tout au long de sa carrière, François Nourissier collabore également à de nombreux journaux, comme les "Nouvelles littéraires", "Le Point" et le "Figaro Magazine", où il est critique littéraire.
Elu en 1977 à l'Académie Goncourt au couvert de Raymond Queneau, il en devient le secrétaire général en 1983, puis le président en 1996. Il quitte ce poste en 2002, tout en restant membre du
jury.
Interrogé sur son statut de "pape des lettres" dans "L'Express Livres" en avril 2008, il répondait: "Ça été une manie un peu encombrante d'aimer dire ce que je pense. Je n'ai pas le sentiment
d'avoir trop souvent eu tort. Je n'ai pas trouvé cette passion de la littérature dans mon berceau, c'est moi qui l'ai créée, inventée, placée au centre de ma vie".
Atteint par la maladie de Parkinson, qu'il surnommait pudiquement "Miss P.", il évoque le sujet dans ses mémoires, "A défaut de génie" (2000), et en fait le thème principal de son livre suivant,
"Prince des berlingots" (2003).
Miné par la maladie, affecté par la perte de sa femme et de l'un de ses fils au cours de l'année 2007, il démissionne de l'Académie Goncourt en janvier 2008.
"Je m'en vais en douceur", déclarait-il peu après dans "Le Figaro". "Pour des raisons personnelles, liées à ma santé et à des épreuves récentes, le moment semble venu de m'en aller. Les
discussions au sein de l'académie demandent une force que je n'ai plus".
Le dernier de ses livres, "Eau-de-feu", dans lequel il évoque l'alcoolisme qui a détruit sa femme, a été édité en avril 2008. François Nourissier aura publié au total une trentaine de romans,
d'ouvrages autobiographiques et d'essais.
"Celui qui avait eu la modestie de publier des mémoires sous le titre 'A défaut de génie' nous laisse en fait une grande oeuvre, reflet de ses combats intimes et de l'ironie avec laquelle il
considérait son époque et son milieu, celui des Lettres et de la grande bourgeoisie", a souligné le président Nicolas Sarkozy, saluant la mémoire de cet "homme généreux", "hussard de la
République des lettres".
"On mesure la grande perte que cela représente pour le monde des Lettres en France", a réagi Edmonde Charles-Roux, la présidente de l'Académie Goncourt, décrivant François Nourissier comme "un
écrivain sans nomadisme, sans cosmopolitisme". "Il était avant tout typiquement français, il ne ressemblait qu'à lui-même et il est véritablement irremplaçable", a-t-elle estimé sur France-Info.
L'écrivain Jean d'Ormesson confiait de son côté avoir perdu "l'un de ses amis les plus anciens et les plus chers". "Voilà deux ans que la maladie de Parkinson qu'il appelait dans ses livres 'Miss
P.' (...) l'a détruit. Il menait une vie qui n'était plus une existence, qui était une espèce d'agonie perpétuelle et grâce à Dieu, cette agonie a pris fin", a-t-il confié à France Info.
Jean d'Ormesson rappelait également que François Nourissier avait été de ceux qui ont dominé la vie de la littérature française "dans les 30 dernières années". Et "avec (Bernard) Pivot", il
"faisait et défaisait les carrières littéraires" et les "réputations", "on peut dire qu'il était le pape des Lettres".
Bruno Ricard