De Bardot à Yourcenar, les belles rencontres du photographe Jean-Pierre Laffont
EN IMAGES - Le photojournaliste compile dans Nos Stars en Amérique portraits et anecdotes sur les voyages des vedettes françaises aux États-Unis. Instantanés drôles et touchants.
Ces photos nous parlent d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Au mitan des années 1960, New York, capitale des arts, du cinéma et de la musique, est «the place to be» pour le gratin français. Charles Aznavour, Gilbert Bécaud ou Enrico Macias squattent la scène de Carnegie Hall. On se bouscule dans les palaces de cette «ville qui ne dort jamais» pour assister aux revues d’une certaine Line Renaud. Brigitte Bardot fait chavirer le tout-New York lors d’une conférence de presse restée célèbre à son retour du tournage mexicain de Viva Maria. Tant pis pour Jeanne Moreau.
Installé à New York depuis 1965, le jeune Français Jean-Pierre Laffont documente, pour différentes publications hexagonales, le séjour new-yorkais de ces «Frenchies». Nos stars en Amérique, publié en septembre dernier aux éditions La Martinière, recense quelques-uns de ces instantanés. Les stars y apparaissent sans fards (et sans attachés de presse), captées au naturel dans les rues de Manhattan ou de Chinatown, transformées en studio géant.
La carrière de Jean-Pierre Laffont ne se résume cependant pas aux vedettes en goguette sur la 5e avenue. Il photographie aussi un tout autre visage de l’Amérique, plus «turbulent» (c’est le titre de son livre, Turbulente Amérique, paru en 2014). Avec Éliane, son épouse et complice de toujours, ils ouvrent en 1969 le premier bureau de l’agence Gamma aux États-Unis. Il couvre alors les meetings de Martin Luther King et de «Bobby» Kennedy. Puis, en 1973, ces deux passionnés fondent l’agence Sygma. Jean-Pierre Laffont devient correspondant à la Maison Blanche et immortalise l’empeachment de Nixon. En 1979, il remportera même le prestigieux World Press Photo pour une série sur le travail des enfants dans le monde.
Deux aspects de son travail qui ne sont pas contradictoires selon ce passionné de l’Amérique. Ou plutôt des Amériques, dans toute leur complexité. Rencontre.
LE FIGARO. - Vous avez fait carrière dans le photojournalisme, couvert certaines journées historiques du XXe siècle, remporté un World Press Award... Comment en arrive-t-on à la photo de célébrités?
Jean-Pierre LAFFONT. - Dans les années 1960-1970, les photographes faisaient tout à la fois. On nous envoyait quelque part pour couvrir tout ce qui s’y passait. En 1970, j’étais l’un des seuls photographes correspondants aux États-Unis. Je suivais les protestations contre la guerre du Vietnam, le mouvement pour les droits civiques, celui pour les droits des femmes… Tout cela ne m’empêchait pas de faire de la photo de célébrités. Quand j’ai photographié Dave en 1976, j’arrivais du Guatemala, où un tremblement de terre avait fait des dizaines de milliers de morts. J’étais accablé de chagrin, marqué par ces photos graves que je venais d’expédier à Paris. Dave, que je devais photographier le jour même, était tout le contraire. Il était fou de joie de découvrir New York en ce mois de janvier glacial. Nous sommes allés ensemble visiter le World Trade Center, qui venait d’être achevé. Le lendemain, je suis reparti au Guatemala, où je suis resté un mois.
Pourquoi avoir choisi de vous installer aux États-Unis?
À Paris, j’étais un pied-noir malheureux et sans vrai boulot. À l’époque, j’étais l’assistant du photographe Sam Lévin. Un incroyable portraitiste. J’avais des responsabilités sympathiques mais je n’arrivais pas à trouver les sujets de magazine sur lesquels j’espérais travailler.
Quelle est la première célébrité que vous ayez photographiée?
Ava Gardner, que Sam Lévin m’avait demandé de photographier pendant un tournage à Rome. Elle tournait alors La Maja nue, dans lequel elle incarnait la duchesse d’Albe, muse et maîtresse de Goya. Elle arrivait le soir, complètement saoul, avec un verre de gin tonic dans la main et un chien sous chaque bras. Elle avait décidé de tourner la nuit uniquement, car son contrat avec la MGM stipulait qu’il y aurait de l’air conditionné sur le plateau. Sauf que toutes les scènes étaient en extérieur, sous un soleil de plomb. Quand on commençait à tourner, le soir, vers 1 ou 2 heures du matin, toutes les lumières de la ville s’éteignaient d’un coup, car toute l’électricité était pompée par la Cinecittà! De mon côté, je devais la photographier toujours du même côté. Elle fréquentait alors un torero et sa joue avait été éraflée par une corne de taureau.
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