Brigitte Bardot et la politique : «Je t’aime, moi non plus»
Le 10 octobre 1984, Brigitte Bardot (à droite) est reçue à l’Elysée par le Président de la République François Mitterrand (au centre) avec son compagnon de l’époque, Allain Bougrain-Dubourg (à gauche). Elle l’entretient de diverses questions liées à la cause animale.
Tout au long de sa carrière d’actrice, et depuis qu’elle a fui les caméras pour se consacrer à son combat en faveur de la cause animale, Brigitte Bardot a entretenu un rapport particulier à la politique et aux hommes et femmes qui l’incarnent. Du Général de Gaulle à Nicolas Hulot, retour sur une vie de relations désabusées.
« Trouillard de première classe ». Au moment de qualifier le ministre de ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, Brigitte Bardot n’y est pas allée de main morte, samedi. Dans toute sa véhémence, cette déclaration symbolise une vie d’engagements passionnés pour la défense de la cause animale qui aura souvent mené BB à regarder présidents, ministres et personnalités politiques droit dans les yeux.
De Gaulle, brandebourgs et élégance
Ses premiers flirts avec la classe politique remontent à la fin des années 1960. Elevée dans une famille patriote, par « un père et un grand-père qui se sont battus pour la France et qui [lui] ont inculqué l’amour de la patrie » confie-t-elle dans TV Magazine, Brigitte Bardot est une grande admiratrice du Général de Gaulle, qui l’invite à l’Elysée le 5 décembre 1967 pour la soirée annuelle des arts et lettres.
Elle y fera forte impression en prenant à contre-pied le protocole vestimentaire : alors que chignon et robe sont de rigueur, BB débarque cheveux détachés et veste de hussard à brandebourgs sur le dos. Une audace qui amuse le chef de l’Etat qui, au « Bonsoir général » de l’actrice, rétorquera « Madame, c’est le cas de le dire ». Quelques jours plus tard, elle apprend que le Général, son idole, l’a choisie pour incarner le visage de Marianne. « Française de « souche lointaine » et fière de l’être », Brigitte Bardot ne fait plus que fréquenter la sphère politique : elle incarne la République.
Brigitte Bardot et son mari Gunter Sachs à l’Elysée lors de la soirée des Arts et Lettres, le 5 décembre 1967
Sa tenue audacieuse de la soirée du 5 décembre 1967 lui a, d’ailleurs, été conseillée par un autre président français : Georges Pompidou, Premier ministre à l’époque. Une anecdote confiée par sa biographe Marie-Dominique Lelièvre à L’Express : « A l’initiative de son mari, elle répéta la veille avec Georges Pompidou et son épouse. Lorsqu’elle demanda à Pompidou comment s’habiller, il lui conseilla : « Comme ce soir. » Elle portait le petit costume à la Sergent Pepper ». Au sujet de Pompidou, BB dira d’ailleurs au Figaro, en mars 2017 : « Ah, lui, je l’ai adoré ! C’était un homme érudit et simple, bien élevé, élégant… L’élégance, c’est quelque chose qui manque chez les hommes politiques aujourd’hui. »
Espoirs déçus
Elle est bien placée pour le savoir : les présidents, les hommes politiques, elle les a presque tous rencontrés pour porter la cause qui lui est si chère : la défense des animaux. « Je juge les politiques à l’aune de ce qu’ils proposent pour la cause animale, révèle-t-elle au Monde en janvier 2018. Et j’ai donc navigué. J’ai soutenu Giscard, qui a été super ; Chirac, puis Jospin contre Chirac, puis Sarko. » Des interactions qui vont du fervent soutien, comme en 1974 lorsqu’elle s’affichait fièrement avec un t-shirt « Giscard à la barre », à la simple rencontre, comme celle qu’elle a eue fin juillet avec un Emmanuel Macron, contre qui elle appelait publiquement à voter en 2017, au second tour, alors qu’il faisait face à Marine Le Pen.
Et au moment de parler de ceux qui ont occupé la plus haute fonction de l’Etat, Brigitte Bardot, comme pour Nicolas Hulot, ne mâche pas ses mots. Valéry Giscard d’Estaing ? « C’est le seul qui ait fait quelque chose ! » disait-elle, encore dans Le Figaro, de celui qui avait fait arrêter les expérimentations pour les ceintures de sécurité avec des singes. Même s’il était « un peu… encombrant, il me courait après ! ». François Mitterrand ? Bien que ce soit lui qui lui ait remis la Légion d’honneur, qu’elle a refusée, il avait reçu son discours sur la cause animalière « d’un air hautain et prudent », assurant « qu’il s’en occuperait… Rien n’a suivi » (Paris Match, 18 janvier 2018).
Brigitte Bardot et la politique : «Je t’aime, moi non plus»
Jacques Chirac ? Celui qui l’appelait « ma petite biche » est pour Bardot « le roi des menteurs ». A ce niveau-là, « il fait la course avec Sarkozy », confiait-elle à Laurent Delahousse dans « Un jour, une histoire » en 2014. « Les deux m’ont promis énormément, ont été absolument charmants avec moi, et ne m’ont rien donné ». Ce dernier lui avait notamment assuré qu’il soutiendrait son combat pour étourdir les animaux qui font l’objet d’un abattage rituel juif ou musulman. « Sarkozy m’a fait mille promesses », regrettait-elle, encore dans Le Monde, sanctionnant même dans un hors-série de Nice-Matin paru en 2016 que « Sarkozy, c’est catastrophique. »
Marine et les communistes
Malgré sa proximité avec tous les présidents de la République, Brigitte Bardot entretient depuis bien longtemps une relation fusionnelle avec un parti : le Front national. Mariée en 1993 avec Bernard d’Ormale, conseiller de Jean-Marie Le Pen, elle côtoie le père avant de tomber sous le charme de la fille. « Je souhaite qu’elle sauve la France, elle est la Jeanne d’Arc du XXIe siècle ! » clamait-elle en 2014 dans les colonnes de Paris Match. La même année, « son » buste de Marianne est utilisé pour illustrer l’affiche de campagne du parti aux élections européenne.
« J’aime beaucoup Marine je l’affirme et je n’ai pas à m’en cacher, s’épanche-t-elle dans l’émission « Un jour, une histoire » en 2014. Je vais vous dire un truc rigolo : c’est la seule femme, mais elle a une paire de couilles. Dans l’ensemble ses idées me plaisent, c’est la vision de la France que je souhaiterais revoir apparaître. » Peu après, alors même qu’elle se fait de plus en plus rare devant objectifs et caméras, elle pose aux côtés de Florian Philippot, qu’elle avait reçu dans sa célèbre propriété tropézienne de La Madrague.
Une proximité avec le Front national qu’elle affiche de moins en moins vigoureusement et qui, surtout, ne l’empêche pas de saluer les décisions des uns ou de critiquer celles des autres, quel que soit leur positionnement sur l’échiquier politique. Un éclectisme qui l’avait menée, en 2016, à saluer dans Nice-Matin le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon… Pour son changement de régime alimentaire : « Il veut faire quelque chose au sujet des abattoirs. Déjà il ne mange plus de viande et il ne supporte plus des images comme on a pu les voir… Donc Mélenchon, bravo ! Moi j’applaudis. » Plus globalement, BB assure ne plus vouloir voir la scène politique qu’à travers le prisme animal. « Si demain un communiste reprend les propositions de ma fondation, j’applaudis et je vote », affirmait-elle dans le Monde en janvier. « Mais je n’accorderai plus mon soutien à personne. »