Le Luron, Bardot, l’Académie française : Philippe Bouvard livre ses dernières confidences à Cyril Viguier
Réalisé dans son appartement cannois, l’entretien enregistré avec l’ancien chroniqueur du «Figaro Magazine» sera diffusé à partir du 3 mai sur TV5 Monde.
En plus de 72 ans de journalisme, Philippe Bouvard a interviewé d’innombrables personnalités. Combien ? Il est incapable de le dire. Quand on aime, on ne compte pas. En revanche, il conserve des souvenirs très précis sur certaines de ses « victimes », lesquelles, en réalité, sont presque toujours devenues des amis.
Entre deux tournages de son émission politique « Face aux territoires », le journaliste-producteur-animateur Cyril Viguier s’est rendu à deux reprises dans l’appartement cannois de Philippe Bouvard afin de recueillir ce que l’un des derniers dinosaures de la Télévision française considère comme « ses dernières confidences ». Bouvard a accepté cet entretien avant, assure-t-il, de s’éloigner définitivement des micros et des caméras.
Avec tendresse
Tout au long de ces deux films de 26 minutes, qui seront multidiffusés sur TV 5 Monde, à partir du 3 mai, il évoque, souvent avec tendresse, et toujours sans la moindre langue de bois, celles et ceux qui demeurent présents dans un coin de son cœur. Jean Yanne et Thierry le Luron figurent en tête de ce hit-parade très personnel. Il qualifie le premier, qu’il a connu à ses débuts, de génie absolu et avoue avoir été profondément affecté par sa disparition, même si, par pudeur, il ne l’a pas véritablement montré. La mort à 34 ans seulement de l’imitateur a également été, moralement, un moment particulièrement difficile. Il continue plus que jamais à penser qu’il a été l’humoriste le plus doué de sa génération et que paradoxalement, côté talent, il ne sera jamais imité.
Comme lui, il s’est régulièrement moqué d’Alice Sapritch et a créé un personnage dont il a fait bon usage, puisqu’elle a été la tête d’affiche de sa première pièce Au plaisir madame. Il dresse un portrait de Sim très différent du personnage de la baronne de la Tronchambiais qu’il s’était construit : un poète émouvant, tout en douceur, qui aurait été exceptionnel dans des rôles à la mesure de sa sensibilité qu’on ne lui a, hélas, jamais confiés. Il se montre intarissable sur Philippe Castelli, et ne cache pas sa fierté d’en avoir fait une vraie vedette de celui qui aurait pu avoir sa place parmi les surréalistes. Il fait son mea culpa en se remémorant les horreurs qu’il a osé écrire sur Brigitte Bardot pendant près d’un demi-siècle. Elle a fini par l’appeler pour lui répondre vertement. La conversation s’est terminée par une invitation aux «Grosses Têtes», où ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre. Il se souvient avoir également dit beaucoup de mal de Mireille Mathieu et assure, avec le recul du temps, qu’il a commis une erreur. Elle s’est révélée beaucoup moins bête qu’il le croyait , et la longévité de sa carrière et son aura dans le monde entier, le fascinent réellement.
Complicité
Dans la catégorie « fâcheries », il y a Jacques Chazot. Il partageait avec le plus mondain des danseurs classiques, le goût de la formule piquante qu’on appelait jadis « l’esprit de Paris ». Après des décennies de complicité, ils se sont brouillés pour des raisons qu’il a totalement oubliées. Ils se sont réconciliés grâce à Colette Bouvard qui, un soir, a entraîné son mari dans un restaurant où Chazot se trouvait, comme par hasard, à la table voisine. Il ne manque pas de s’interroger sur la réalité de l’acte de naissance d’Amanda Lear. Il a longtemps conservé dans son bureau un cadre contenant une lettre de Salvador Dali assurant, à propos de sa muse, « je sais qui il est ! ». Dans son for intérieur, Bouvard demeure néanmoins convaincu qu’elle est une femme. Il évoque aussi le souvenir de René Coty et le moment où, juste après son élection surprise au château de Versailles, il a couru annoncer la nouvelle à Germaine sa femme. C’est ainsi qu’est née une amitié avec un Président de la République qui a alors considéré le jeune reporter du Figaro comme son journaliste préféré, mais aussi un fils qui est entré dans la famille, en passant des vacances avec le couple et leur fille.
Admirateur des hommes de culture, il cite Jacques Martin et surtout Jean Dutourd, un Pic de la Mirandole, dont il n’a jamais pu prendre l’érudition en défaut. Parmi les manques qu’il confie, figure la tristesse, voire la déception, de ne jamais avoir été invité à « Apostrophes » ou « Bouillon de culture » . L’un ou l’autre des 69 livres qu’il a publiés méritait, ne serait-ce qu’une fois, une place à la table de Bernard Pivot. Enfin, s’il reconnaît avoir dit un jour, « je serai candidat à l’Académie Française quand Achille Zavatta sera élu », il regrette, en fait, de ne jamais s’être porté candidat. Il aurait pu devenir Immortel même si, au plus profond de lui-même, il est convaincu qu’après son départ, il redeviendra poussière. Il espère qu’il sera le plus tardif possible. Il entame aujourd’hui une nouvelle vie dont il veut profiter. Voici quelques semaines, il a décidé de mettre un terme définitif à toutes ses collaborations et de devenir rentier. Un nouveau métier qu’il commence à peine à apprendre.