Exposition/Paris : “7 juin 1967, dans l’objectif du Leïca de Jacques Héripret”

Publié le par Ricard Bruno

Je conseil à tous d'aller voir cette exposition incroyable, attention pour des raisons de sécurité que tout le monde comprendra il faut réserver à l'avance.
Cette exposition exceptionnelle de photographies a été possible et faites, par mon ami Jacques Héripret qui a couvert à l'époque pour son journal, la guerre des 6 jours en Israël...il a photographié des instants incroyables, ces visuels n'avaient JAMAIS été vu par personne !
Bruno Ricard

Quand un reporter de guerre immortalisait avec son Leïca la guerre des Six Jours: des clichés exceptionnels et inédits exposés en juin 2017 dans le cadre du Festival des cultures juives

Exposition/Paris : “7 juin 1967, dans l’objectif du Leïca de Jacques Héripret”

Leïca : une marque d’appareil photo qui évoque des clichés de légende, immortalisés par l’objectif de photographes de renom qui ont autant contribué à sa popularité comme André Kertész, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Raymond Depardon, William Klein, mais aussi Jacques Héripret

Ce photo-reporter s’est rendu célèbre par son audace à réaliser des clichés des plus grandes personnalités de l’époque, du Général de Gaulle à Brigitte Bardot, et également des moments forts de l’histoire.

Et pourtant, rien ne le prédestinait à cette profession-passion si ce n’est un tempérament de feu. Auparavant, ouvrier-tourneur chez Renault, il devient un jeune photographe chassant l’exclusivité et réalisant des clichés anticonformistes.

Alors qu’il débute, à peine âgé de 22 ans, comme assistant auprès de Luc Fournol, le photographe des stars, il réalise son premier « scoop » photographique en 1963 en shootant le plafond de l’Opéra de Paris fraîchement peint par Marc Chagall. On sait que ce décor suscita la polémique, car il rompait avec le style Second Empire du bâtiment réalisé par Charles Garnier.

L’artiste Jacques Héripret, au centre, lors du vernissage de l’exposition « 7 juin 1967, dans l’objectif du Leïca de Jacques Héripret » à l’Espace Rachi-Guy de Rothschild, à Paris. (Crédit : Collection Jacques Héripret)

L’artiste Jacques Héripret, au centre, lors du vernissage de l’exposition « 7 juin 1967, dans l’objectif du Leïca de Jacques Héripret » à l’Espace Rachi-Guy de Rothschild, à Paris. (Crédit : Collection Jacques Héripret)

On sait moins que le premier cliché de cette fresque a été pris par Jacques Héripret qui nous a confié les dessous de son coup de maître. « Le problème de l’Opéra de Paris reposait sur une survivance policière accrue en raison des menaces d’attentats de l’OAS contre De Gaulle. Le plafond devait être inauguré en présence du général de Gaulle en personne et d’André Malraux alors ministre de la Culture qui l’avait commandé à Chagall et qui avait été aussi visé par une tentative d’attentat : il y avait donc un grave problème de sécurité comme aujourd’hui… » nous a confié Jacques Héripret.

Il ajoute : « Mon journal, Paris presse l’intransigeant, m’avait demandé de réaliser le cliché même si Match avait l’exclusivité. Je me suis alors baladé à côté de l’Opéra et j’ai remarqué qu’il y avait un endroit où les décors étaient livrés et qui coïncidait avec la sortie des artistes en même temps. À midi pétant, j’ai vu des flics sortir pour déjeuner les uns après les autres. À deux heures, tout le monde rentrait. J’ai alors dit à ma rédaction qu’il me fallait une tenue d’ouvrier et une corbeille avec des papiers au-dessus pour dissimuler mes appareils photo. Le lendemain, à midi passé, après avoir vu les 50 flics sortir de l’Opéra, j’ai sonné au local du gardien qui m’a laissé entrer. »

Déjouant la surveillance policière à l’Opéra Garnier, le photo-reporter réussit donc à entrer, mais le plus difficile reste à faire : photographier un plafond dissimulé par un velum rouge tenu par 150 fils. « Avec la boîte à outils d’un ouvrier, j’ai attaqué les ficelles au burin et au marteau, le velum est alors tombé s’étalant sur les fauteuils. Mais sa chute a dégagé une telle poussière que je n’ai pas pu shooter. J’ai dû monter dans une mezzanine pour faire la photographie avant de repartir en appuyant sur la sonnette et le mec m’a laissé partir… »

Jacques Héripret continue son récit incroyable : « Paris presse l’intransigeant sortait à 14 heures, et ma photo devait paraître pour le lendemain. Le problème de l’époque était que tous les journaux apportaient les morasses, la dernière épreuve, à l’Élysée. Quand l’Élysée l’a appris, on est venu me chercher et on m’a embarqué avec les menottes rue des Saussaies, le bureau de la sécurité intérieure de l’État. J’ai reçu des beignes parce qu’on ne croyait pas à mon histoire. Pendant ce temps, le journal a appelé, et Pierre Lazareff de France Soir aussi, car il appartenait au même groupe. Les flics se sont aperçus que je disais la vérité et on m’a libéré. Match n’a pas plus eu l’exclusivité. La photo s’est vendue dans le monde entier. Et en raison de la faille importante dans la sécurité, beaucoup de flics ont sauté. »

Après cette exclusivité, les photographies de Jacques Héripret, bourlingueur, touche à tout, curieux professionnel, continuent de faire le tour du monde.

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret : « Ces photos ont paru dans le monde entier : elles ont fait l’actualité, aujourd’hui, elles font l’histoire. » (Crédit : Jacques Héripret)

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret : « Ces photos ont paru dans le monde entier : elles ont fait l’actualité, aujourd’hui, elles font l’histoire. » (Crédit : Jacques Héripret)

Et puis, en mai-juin 1967, le photographe se rend en Israël. Une nouvelle fois, un concours de circonstances est à l’origine de ce voyage ainsi qu’il nous le raconte. « Je travaillais pour l’agence de presse P.I.P., et je suis partie en Israël quinze jours avant la guerre. Plusieurs éléments m’avaient mis la puce à l’oreille. Le premier est le fait que le roi Hussein de Jordanie, neutre depuis longtemps, avait été pris en photo au Caire avec le président égyptien Nasser, qui lui était très belliqueux contre Israël. Par ailleurs, le gouvernement soviétique avait envoyé 150 techniciens pour réviser les avions MIG égyptiens. Enfin, j’avais lu dans un journal suisse que le roi Hussein avait rappelé ses généraux à la retraite, et à cela s’ajoutait la Syrie qui emmerdait Israël avec le Golan. »

Jacques Héripret qui ne connaissait rien d’Israël si ce n’est qu’il savait « que le Christ avait été crucifié à Jérusalem » décide de se documenter avant de partir. La situation des Juifs qui ne pouvaient plus se rendre à l’est de Jérusalem, et donc au mur Occidental, pour prier depuis près de 2 000 ans l’interpelle.

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret nous a confié : « A l’aube de ce matin-là, un vieil homme s’est approché, tirant une chaise trouvée je ne sais où. Près du Mur, il s’est assis et a commencé sa prière. » (Crédit : Jacques Héripret)

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret nous a confié : « A l’aube de ce matin-là, un vieil homme s’est approché, tirant une chaise trouvée je ne sais où. Près du Mur, il s’est assis et a commencé sa prière. » (Crédit : Jacques Héripret)

« En atterrissant à Tel Aviv, le point presse m’a demandé où je voulais aller et j’ai répondu à Jérusalem. On est alors parti à deux ou trois photographes accompagnés d’un officier. La veille du 7 juin 1967, on venait d’apprendre que l’aviation israélienne avait calciné les 400 MIG égyptiens. À l’aube du 7 juin, Tsahal a libéré le quartier est de Jérusalem et je suis resté le seul photographe au mur [Occidental]. J’ai commencé à bosser le matin vers 6 heures et je suis resté jusqu’au soir. J’ai vu arriver un rabbin, puis un autre, et le soir il y avait devant moi une marée humaine. J’ai fait des clichés selon tous les cadrages possibles et imaginables en espérant donner une représentation de cette ferveur extraordinaire à laquelle j’assistais. »

Ce sont vingt-cinq de ces clichés inédits de la libération de Jérusalem le 7 juin 1967 que Jacques Héripret a décidé de rendre public aujourd’hui. L’exposition bénéficie d’une double actualité : le cinquantième anniversaire de la guerre des Six Jours qu’elle commémore, et également son inscription dans le Festival des cultures juives qui confirme sa qualité tant on connaît le savant choix des événements sélectionnés par les responsables pour cette manifestation devenue une référence.

L’ambassadrice d’Israël en France, Aliza Bin Noun, a logiquement accepté de parrainer l’événement qui rappelait via un tweet que « 50 ans après la guerre des Six Jours, Israël doit encore se défendre et protéger sa population pour permettre sa postérité ».

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret : « Ils furent trois, cinq, vingt, bientôt cinquante. Certains faisaient une ronde et dansaient. C’était la liesse. Ils venaient de partout par milliers. » (Crédit : Jacques Héripret)

Le mur Occidental, en juin 1967. Jacques Héripret : « Ils furent trois, cinq, vingt, bientôt cinquante. Certains faisaient une ronde et dansaient. C’était la liesse. Ils venaient de partout par milliers. » (Crédit : Jacques Héripret)

Avec une grande simplicité, l’artiste restitue un moment de l’histoire : la bataille pour la réunification de Jérusalem avec justesse, beauté et émotion. Ce qui frappe dans cette exposition est le contraste entre la catastrophe à laquelle Israël vient d’échapper : le danger de destruction et la joie, le sourire, l’impression de légèreté de ceux qui ont permis à cette menace de se dissiper et à tous les Juifs du monde de retrouver l’espoir.

Le sourire des soldats de Tsahal est d’une vérité criante, illustrant la joie procurée par la victoire. Chaque cliché est habité de l’humanité des personnes qui la font vivre. Ils sont étonnamment parlants.

Le noir et blanc renforce cette impression de passage dans l’intemporalité, dans le temps de la grande histoire. Loin de présenter une image figée, les clichés semblent animés, car ils sont incarnés par des êtres aux émotions palpables et aux attitudes en marche. Les photographies sont vivantes.

« Le jour du vernissage, nous a confié Jacques Héripret, j’ai expliqué que je sentais que ce moment était important pour le peuple juif. Sur place, j’ai senti la ferveur. C’était magique. Ces photos ont paru dans le monde entier : elles ont fait l’actualité, aujourd’hui, elles font l’histoire. »

L’accueil de l’exposition est incroyable. Avec humilité, le photo-reporter confie que le jour du vernissage il a « rougi en permanence devant tous ses compliments ».

Pour prolonger cette exposition qui durera le temps du mois de juin, un livre de ces photographies vient de paraître avec des textes de Jacques Héripret qui rappelle le contexte de la prise de ces clichés et deux inédits « Jérusalem reprise » du psychanalyste Daniel Sibony et « La joie de Jérusalem au cœur de l’Afrique » de l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Avi Pazner.

Galerie Claude Kelman de l’Espace Rachi-Guy de Rothschild
39 rue Broca, dans le Ve arrondissement de Paris


Entrée libre mais sur réservation uniquement pour des raisons de sécurité sur : www.fdcj.org

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