Les 100 ans de la Victorine

Publié le par Ricard Bruno

La Symphonie du cinéma revient cette semaine sur la grande histoire des studios de la Victorine à Nice. Les plus grands ont tourné dans ce petit Hollywood provençal qui fête cette année son siècle d'existence.

Ils ont vu défiler les plus grands réalisateurs jusqu’en 1945 avant de devenir beaucoup moins rentables, manquant même de disparaître. Marcel Carné y tourna Les Visiteurs du soir et Les Enfants du Paradis, Marc Allégret L’Arlésienne, Jean Delannoy L’Enfer du jeu et L’Eternel Retour…
Nichés sur les hauteurs de Nice, les studios de la Victorine fêtent cette année leurs cent ans et ont beaucoup de choses à raconter.  

Roland Alexis Manuel Levy, dit Roland-Manuel, compose, en 1943, Lumière d'été, avec à la direction d’orchestre Roger Désormière pour le film du même nom, réalisé par Jean Grémillon. Un film, tourné aux studios de la Victorine, à qui est consacrée cette semaine La Symphonie du cinéma. Un succès des années 40 avec Madeleine Renaud, Madeleine Robinson et Pierre Brasseur.
Un peu d’histoire est nécessaire pour comprendre comment sont nés, à Nice, des studios de cinéma qui allaient faire sa renommée pendant près de trente ans avant de connaître une nette baisse d’activités, puis de se réinventer à plusieurs reprises.
La Victorine doit son nom à André Massena, maréchal d’Empire, dont le surnom était « L’enfant chéri de la Victoire ». Cette vaste demeure bourgeoise  avait été construite à la fin du 19e siècle par son petit-fils, Victor Masséna, sur la colline Saint-Augustin, au milieu d’un parc arboré de sept hectares. Deux producteurs : Louis Nalpas et Serge Sandberg, qui l’avaient rachetée en 1919, y créeront les célèbres studios.

Louis Nalpas et Serge Sandberg, les deux bâtisseurs des studios de la Victorine, au terme de travaux titanesques, transforment le domaine en un petit Hollywood. Gaumont rachètera cependant les studios en 1932. En dix ans, une quarantaine de films y seront tournés. La guerre et l'Occupation casseront cet élan et Gaumont mettra les studios aux enchères en 1942. Mais le gouvernement de Vichy, par la voix du Maréchal Pétain voleront au secours de la Victorine. Alors que les Alpes-Maritimes sont occupées par les troupes de Mussolini, Marcel Carné y tournera Les Enfants du Paradis… dans un Paris de carton pâte… La musique, elle, est composée par Maurice Thiriet et Joseph Kosma.

Pierre Brasseur et Arletty dans ce passage célèbre des Enfants du Paradis, chef-d'œuvre de Marcel Carné et du cinéma français, sorti en 1945 mais tourné entre le mois d'août 1943 et le mois de juin 1944. Mais la Victorine va connaître son premier passage à vide avant de renaître en 1955 avec deux films : La main au collet, d’Alfred Hitchcock, avec Grace Kelly et Cary Grant, puis Et Dieu créa la femme, de Roger Vadim dont le succès international révélera au monde entier, Brigitte Bardot.

 

La Main au collet puis Et Dieu créa la femme sont deux grands classiques du 7e art, avec pour le premier, le Britannique Lyn Murray à la composition et Paul Misraki pour le second. Deux grands thèmes de l’histoire du cinéma…
Tourné, aussi, dans des décors naturels sur la Côte d’Azur, La Main au collet allait être un des derniers films de Grace Kelly qui un plus tard, en mai 1956, rencontrait le prince Rénier de Monaco au festival de Cannes. Quant à Et Dieu créa la femme, il propulsa Roger Vadim, Brigitte Bardot et Jean-Louis Trintignant au rang de stars internationales. Une Brigitte Bardot qui allait devenir BB, à la fois un mythe et un sex-symbol mondial des années 1960, courtisée par les médias du monde entier. Des milliers de femmes imiteront son style, copiant ses ballerines, sa robe de Vichy rose et sa coiffure.

Mon Oncle, un thème tout de suite indentifiable quand on est cinéphile que l’on doit à Franck Barcellini, auteur-compositeur connu, pour avoir créé la musique du film de Jacques Tati, et disparu en 2012 à l'âge de 92 ans. En 1958, sa composition emblématique, à la légèreté enfantine était incarnée par ces notes de piano malicieuses, de la flûte, de la guitare, et de l'accordéon pour camper un Paris reconstitué en partie dans les studios de la Victorine.
Remontons encore le temps et arrêtons-nous en 1964. Cette année-là, un film réunit près de
8 millions de spectateurs dans les salles grâce à une formule simple : une comédie au soleil rythmée et très française avec Louis De Funès dans le rôle d’un gendarme…

Douliou-douliou Saint-Tropez, chantée par Geneviève Grad sur des paroles d’André Pascal et une musique de Raymond Lefebvre et le thème musical du film, la fameuse Marche des Gendarmes, aussi célèbres l’une que l’autre. Un thème de La Marche des Gendarmes qui une idée du réalisateur Jean Girault qui insista auprès de Raymond Lefèvre pour qu'il fasse un thème proche du Pont de la rivière Kwai, de David Lean. Une musique (comme la chanson), qui seront réemployées dans chaque film de la série à l’exception du Gendarme se marie.

La musique de Michael John  Lewis pour La Folle de Chaillot, une comédie du Britannique Bryan Forbes avec Margaret Leighton, Giuletta Masina et Katharine Hepburn dans le rôle titre d’une comtesse excentrique, est pour le moins entraînante. Après d’autres réalisateurs étrangers : Richard Thorpe (1963), Terence Young (en 1966), Stanley Donen (1967), Bryan Forbes pose en plein mai 68 ses caméras à la Victorine à la suite d’un accord avec les syndicats et ce malgré la suspension à Paris comme en Province des tournages.
Coup de projecteur à présent sur un film marquant et symbole des studios niçois, tourné, lui, en 1973, et connu aussi par sa célèbre bande originale…

Grand Choral, célèbre thème principal de Georges Delerue pour La Nuit américaine, de François Truffaut, sorti sur les écrans français le 24 mai 1973. Une mise en abyme puisque le film raconte en fait le tournage d’un film dans lequel François Truffaut joue lui-même le rôle du metteur en scène tournant dans les décors… de La Folle de Chaillot.
La Nuit américaine obtient en 1974  l’Oscar du meilleur film étranger.

Certains d’entre vous ont sans doute  reconnu dès les premiers accords la musique du générique de Flic ou voyou, composé par Philippe Sarde qui s’est adjoint pour la circonstance le concours de Chet Baker à la trompette, Ron Carter à la basse, et Hubert Laws à flûte, autant de grands jazzmen américains. L’occasion également d’évoquer brièvement Georges Lautner, réalisateur phare des années 60 à 80 et Niçois de naissance, fils de la comédienne Renée Saint-Cyr, qui tournera à plusieurs reprises à la Victorine.

La Minute Judy Garland

Cette semaine dans La Minute Judy Garland, je vous invite à prendre de la hauteur. En 1964, Frank Sinatra revisite  Flying to the moon, une chanson écrite, dix ans auparavant, par Bart Howard. Une transition toute trouvée pour vous dire que la dernière émission de la saison, le 4 juillet, sera consacrée aux musiques des films traitant de la conquête spatiale alors que l’on fêtera le mois prochain le cinquantième anniversaire du premier pas sur la lune de Neil Armstrong, le 21 juillet 1969…

Quelques conseils pour prolonger cette émission :

Ciné Azur : 60 ans de cinéma sur la Côte d'Azur, de Claude Raybaud, paru en mai 2018 aux éditions Baie des anges. 96 pages d’anecdotes à travers une sélection d'oeuvres emblématiques tournées sur la Riviera.  Je ne saurais que trop vous inviter à voir ou revoir les films cités dans cette émission à commencer par Les Enfants du Paradis et La Nuit américaine, le premier disponible chez Pathé, le second chez Warner Bros…  Et puis sachez encore que du 27 au 29 sept, les studios de la Victorine seront ouverts au public et se visiteront.
Et on se quitte avec Brice de Nice, comédie potache, tourné en 2004 d'après le personnage du même nom créé par Jean Dujardin dans un de ses fameux sketches.  Un gros succès en salle et une chanson, interprétée par Jean Dujardin lui-même sur une musique de Bruno Coulais.

Play list des morceaux diffusés:

Lumières d’été, Roland-Manuel
Les Enfants du Paradis, Maurice Thiriet, Joseph Kosma
Extrait des Enfants du paradis, de Marcel Carné (Pathé distribution)
La Main au collet, Lyn Murray
Et Dieu créa la femme, Paul Misraki
Mon Oncle, Franck Barcellini
Douliou-douliou Saint-Tropez, Geneviève Grad
La Marche des Gendarmes, BO Le Gendarme de Saint-Tropez, Raymond Lefebvre
La Folle de Chaillot, Michael John Lewis
La Nuit américaine, Grand Choral, Georges Delerue
Flic ou voyou, Philippe Sarde
Flying to the moon, Frank Sinatra
Briçovitch, Bruno Coulais
Le Casse de Brice, Jean Dujardin, Bruno Coulais

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