Vaillant le pigeon, Patron le chien, Warrior le cheval… Les héros de guerre sont aussi des animaux

Publié le par Ricard Bruno

MEILLEURS AMIS Une kyrielle d’animaux a participé aux guerres humaines, et certains sont même devenus des légendes

Vaillant le pigeon, Patron le chien, Warrior le cheval… Les héros de guerre sont aussi des animaux
  • a Ville de Paris inaugure ce mardi un monument pour rendre hommage aux animaux sacrifiés pendant les conflits du XXe siècle.
  • Si des millions d’animaux ont péri dans les guerres humaines au fil des siècles, certains ont eu un véritable rôle dans l’histoire des conflits.
  • Mascotte, messager ou encore démineur… Voici les portraits de cinq de ces héros de guerre à poils ou à plumes.

Messagers, démineurs ou soutiens moraux… Les animaux aussi ont pris part aux guerres des hommes. Et si, au fil du temps, nombre d’entre eux ont été oubliés, la Ville de Paris inaugure ce mardi un monument pour rendre hommage aux animaux sacrifiés pendant les conflits du XXe siècle. En parallèle de cette cérémonie, prévue au square Baucicaut, dans le 7e arrondissement de la capitale, 20 Minutes vous propose de vous pencher sur l’histoire de quelques-uns de ces héros à poils et à plumes.

Le pigeon Vaillant

Décoré de la Croix de guerre 1914-1918, Vaillant est probablement le pigeon le plus connu de France. Preuve de sa renommée, un film d’animation lui a été consacré en 2005 - même s’il prend de nombreuses libertés avec la réalité. Le volatile est connu pour avoir porté un message au péril de sa vie, afin d’informer sur la situation critique du commandant Sylvain Raynal et de ses hommes, encerclés au fort de Vaux en 1916. « En France, on a fait de Vaillant un héros dans l’entre-deux-guerres, on a bâti toute une légende autour de lui », confirme Eric Baratay, historien.

« En réalité, il n’a pas accompli sa tâche, précise pourtant le spécialiste de l’histoire des relations hommes-animaux. Il a mis une quinzaine d’heures pour délivrer son message à Verdun, mais il n’avait plus vraiment d’intérêt quand il est arrivé. A sa décharge, il a été lâché au moment où les bombardements étaient les plus intenses ! » Lors du siège de la forteresse, les communications téléphoniques sont coupées et le commandant Raynal ne dispose que de quatre pigeons voyageurs. Vaillant est le dernier à s’élancer et le seul à être parvenu à transmettre ce SOS. Gravement intoxiqué, il mourra presque immédiatement après avoir rempli sa mission. Il est aujourd’hui empaillé au colombier militaire du Mont Valérien, à Suresnes.

Le cheval Warrior

Les chevaux ont joué un rôle essentiel lors de la Grande Guerre, et on estime que plus de 10 millions d’entre eux ont été tués. « C’était l’apogée de l’hippomobile en Occident, les chevaux étaient omniprésents », souligne Eric Baratay. Et parmi ces guerriers à sabots, le Royaume-Uni a surtout retenu l’histoire de Warrior. « Ici aussi, sa légende s’est créée après la guerre, il défilait avec des médailles et même la reine [Mary] lui a rendu visite », rappelle l’historien. Contrairement à Vaillant, ce n’est pas un acte héroïque qui a fait sa renommée, mais plutôt sa longévité. Warrior a suivi au front son propriétaire, le général Jack Seely, et traversé tout le conflit.

« A partir de 1917, Warrior devient un modèle de survie, un porte-bonheur. Alors que pour les chevaux soldats lambda, la rotation est énorme, lui survit à toute la guerre », explique Eric Baratay. En 2014, cent ans après le début de la Première Guerre mondiale, Warrior reçoit une médaille Dickin à titre posthume, une décoration militaire conçue pour honorer l’action des animaux en temps de guerre. La renommée de Warrior doit beaucoup à son maître, le général Jack Seely donc, ancien secrétaire d’Etat et grand ami de Winston Churchill. Il lui a écrit une biographie en 1934, intitulée My Horse Warrior. Et, surtout, il « le protégeait sur le front et le laissait à l’arrière en cas de coup dur », glisse Eric Baratay.

L’ours Wojtek

En 1942, l’armée polonaise adopte un ours en Iran. Wojtek devient rapidement une véritable mascotte et intègre officiellement la 22e compagnie de ravitaillement d’artillerie du deuxième corps d’armée polonais. Avec son unité, l’ursidé voit du pays : il traverse l’Iran, la Syrie, l’Irak, la Palestine ou encore l’Egypte. Wojtek transporte des munitions lors de la bataille de Monte Cassino, qui oppose les Alliés aux forces allemandes de janvier à mai 1944.

« Il était fréquent qu’il y ait des ours dans l’armée coloniale anglaise et dans les armées des anciennes colonies britanniques », ajoute Eric Baratay. C’est notamment le cas de l’ourse noire Winnipeg, qui a été achetée par un régiment de cavalerie canadienne. Les soldats l’introduisent illégalement en Grande-Bretagne puis la laisse à l’arrière, « car une ourse est évidemment difficile à déplacer ». « Ce sont des animaux mascottes », note l’historien. Wojtek a toutefois dépassé le statut de totem. Car en plus de boire de la bière et de fumer des cigarettes, il a obtenu le statut de caporal.

Le chat Mourka

Lors de la bataille de Stalingrad, entre juillet 1942 et février 1943, Mourka se faufilait entre les bombardements et les combats urbains. Le chat délivrait des messages pour l’armée russe, opposée à la Wehrmacht. Les soldats l’emmenaient en reconnaissance avec eux, attachaient un message au collier du félin, et ce dernier retournait toujours au quartier général - là où se trouvait sa gamelle. « Il existe aussi de nombreuses histoires de chats pendant la Première Guerre mondiale, nous dit Eric Baratay. Les soldats recueillaient de nombreux chiens et chats dans les tranchées, beaucoup avaient été abandonnés par la population lors de sa fuite au début de la guerre ».

Certains sont soignés par les combattants, qui s’attachent rapidement à eux. « Les animaux sont une image de paix et de bonheur. C’était extrêmement important pour les soldats », note l’historien. Ils ont d’ailleurs une place spéciale. « Un médecin, au front lors de la Première Guerre mondiale, a raconté ce souvenir d’un chat qui se prélassait en première ligne sur le parapet, y faisait sa toilette, installé au soleil. Personne ne lui tirait dessus. Il écrivait : "moi si j’avais eu le malheur d’avancer un quart de ma tête, j’aurais déjà une balle dedans" », raconte le spécialiste.

Le chien Patron

Bien plus récemment, en mai dernier, le monde entier a suivi la remise d’une médaille du dévouement au chien Patron. Ce petit Jack Russell terrier de 4,5 kg détecte en Ukraine les mines qui n’ont pas explosé. « Patron parle à la population ukrainienne qui s’occidentalise. On a d’ailleurs vu de nombreux Ukrainiens fuir avec leurs animaux de compagnie au début de la guerre. Les Russes, eux, n’ont pas cette relation aux animaux », analyse Eric Baratay.

Patron est devenu une icône de la résistance ukrainienne, du street art jusqu’à Tiktok, où le petit chien compte plus de 716.000 abonnés. A plumes ou à poils, les animaux ont donc un rôle de communication important. Car « en les montrant dans son camp, on dit implicitement que c’est le bon, puisque les animaux connaissent instinctivement la vérité », décrypte l’historien.

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