ARTE consacre sa soirée du lundi 27 mai à Brigitte Bardot avec la diffusion de deux films : A 20h 55 La Vérité (1960) d’Henri-Georges Clouzot, titre fameux qui offrit à Bardot plus grand rôle dramatique, et Vie privée de Louis Malle (1962) à 23h.
Ce film, moins connu que d’autres réalisés par Malle ou interprétés par Bardot (qui travaillèrent ensemble à trois reprises), mérite d’être redécouvert, en version restaurée (superbe photographie couleur de Henri Decaë). Vie privée demeure assez sous-estimé et même méprisé dans la carrière de Malle. Ce ne fut pas un grand succès, ni public, ni critique. Pourtant, Bardot l’a toujours présenté comme son film préféré, malgré des souvenirs de tournage nuancés, car il était celui qui exprimait avec le plus de justesse sa véritable personnalité, sans trucages, en montrant qui elle était vraiment dans la vie, mais aussi tout ce qu’elle devait endurer en raison de son immense célébrité. Pourtant, Vie privée n’est pas un documentaire, genre cinématographique auquel Malle s’est confronté de nombreuses fois tout au long de son oeuvre. Plutôt une fiction documentée, et un film-portrait. L’idée initiale du film était une adaptation libre de Catherine de Heilbronn de Kleist dont il ne reste pas grand-chose si ce n’est le thème de la destruction de la pureté initiale. Jill (Brigitte Bardot) est d’origine bourgeoise, passe une adolescence insouciante dans un décor de conte de fées, un château au bord du lac de Genève. Devenue actrice par hasard, elle perdra définitivement son innocence et sa joie de vivre, détruite par la société moderne et les médias qui ont fait d’elle un mythe. Le projet se transforme bientôt en étude sur la vie privée d’une star. Il prend comme point de départ des éléments autobiographiques confiés par la star elle-même au réalisateur et son co-scénariste Jean-Paul Rappeneau. Tout ce que l’on voit ou presque dans Vie privée, de manière plus ou moins romancée, est rééllement arrivé à Brigitte Bardot lors de son ascension au firmament des stars mondiales. Elle déclencha autant d’amour, de popularité que de jalousie auprès de certaines personnes. Car Brigitte Bardot, à l’apogée de sa gloire, était bien plus qu’une vedette du grand écran : elle symbolisait la féminité, l’évolution des mœurs et une liberté que rien ni personne ne pouvait lui contester. Le scénario se construit autour des confidences de Bardot, qui évoque ses démêlés avec les paparazzi, les agressions et les témoignages de haine dont elle est victime, ses liaisons passionnelles et turbulentes, sa dépression, sa tentative de suicide, son désir précoce d’abandonner son métier d’actrice. Malle et Rappeneau, après avoir rassemblé toute la documentation possible autour du « mythe BB », se demandent comment articuler le lien entre fiction et réalité. L’idée maîtresse de Malle et Rappeneau pour Vie privée est de se consacrer exclusivement au personnage de Jill, d’évacuer la peinture du monde du cinéma et de ne pas réaliser un film à clé. Vie privée n’est peut-être pas un titre aussi important que Le Feu follet ou Lacombe Lucien dans l’œuvre de Louis Malle, mais il témoigne d’une modernité qui fut mal comprise en son temps, et demeure incontournable pour tous les admirateurs de Brigitte Bardot.
Avant sa diffusion sur ARTE, Vie privée est actuellement disponible gratuitement sur ARTE.tv, jusqu’au 31 août 2024.
Dans la collection « les courts des grands », on peut également voir Paparazzi (1964), court métrage de dix-huit minutes de Jacques Rozier consacré à Brigitte Bardot sur le tournage du Mépris de Jean-Luc Godard. Disponible jusqu’au 3 juillet 2024.
Sur la conception et le tournage de Vie privée, on peut lire Louis Malle, le rebelle solitaire de Pierre Billard (Plon, 2003) qui se montre paradoxalement plus sévère que moi envers le film.