2021, l’année Saint-Tropez...
Bien décidé à revivre follement, le célébrissime village voit fleurir plein de nouveaux spots. Parmi eux, le légendaire hôtel de La Ponchefait peau neuve avec une rare élégance. Visite en exclusivité.
Sur la place des Lices, les feuilles des platanes frémissent. Les joueurs de pétanque aussi. Sous leur masque dûment contrôlé par les gendarmes, leurs mâchoires se décrochent au passage des créatures moulées, lacées, bottées se pressant dans les restaurants qui ont remplacé les bars où ils trinquaient au pastaga après avoir taquiné le cochonnet. À l’image de la célèbre place, tout Saint-Tropez vibre d’une folle énergie en ce début d’été. Les nouvelles adresses n’en finissent plus d’éclore, comme pour fêter en fanfare la sortie de la crise sanitaire.
D’un côté, les mastodontes du restaurant festif débarquent en force avec leurs concepts bien rodés. Ainsi, après Noto et Shellona, le Moma Group de Benjamin Patou ouvre en rafale Casa Amor avec une carte signée Akrame, mais aussi le Café Lapérouse et les cafés Fendi et Manko ! Laurent de Gourcuff (Paris Society) rétorque en inaugurant Gigi, ambiance Riviera années 1960, et installe les banquettes en velours rouge du Piaf sur la plage de Pampelonne, en s’acoquinant avec le groupe Bagatelle, qui en profite pour faire relooker sa table par le designer Sam Baron.
Face à ces serial restaurateurs, trois jeunes Tropéziens résistent encore et toujours. Fondateurs de l’Indie Group, ils s’appellent Vincent Luftman, Tobias Chaix et Raphaël Blanc. À peine trentenaires, ils dirigent déjà quatre restaurants : Indie Beach House, Playamigos, Pablõ et La Sauvageonne. Leur mantra : rajeunir Saint-Tropez, y apporter du cool et de la bonne musique. Ils s’y emploient tant et si bien que leur Indie Fest, un vrai festival avec un food court de folie, accueillera cet été le rappeur Nemir, les groupes Feu ! Chatterton et Earth, Wind and Fire – excusez du peu. Tout cela se passe à la vénérable citadelle du XVIIe siècle, qui s’en trouve toute ragaillardie.
Mais s’il n’y avait qu’un événement à retenir, ce serait le rachat et la rénovation du légendaire hôtel de La Ponche. Les Tropéziens n’en reviennent toujours pas : Simone Duckstein, dont les parents avaient créé le bar en 1938, a fini par se résoudre à céder l’établissement, devenu un hôtel en 1953. « Ma raison me disait de vendre, mon cœur s’y refusait, confie Simone. Je suis née ici en 1943, à l’emplacement de la chambre Michel Galabru, juste en dessous de la Brigitte Bardot, raconte-t-elle. Enfant, je n’avais aucune idée de la célébrité des clients qui fréquentaient la maison, seul le regard noir de Pablo Picasso m’impressionnait. Ma mère avait créé une boîte de nuit dans la grange accolée au bar, sur une idée de Boris Vian. Inaugurée en 1949, elle fut baptisée le club Saint-Germain-des-Prés-La Ponche par l’écrivain, qui y fit venir ses amis, Juliette Gréco, Daniel Gélin, Mouloudji...
Simone, au fil du temps, a hissé l’hôtel au rang d’un cinq-étoiles pas comme les autres
Suivirent Sartre, Beauvoir. Et Sagan, bien sûr. « J’avais 12 ans quand elle est arrivée à La Ponche pour la première fois. Elle y est venue pendant trente ans, toujours dans la même chambre. Comment oublier cela ? » s’interroge Simone qui, au fil du temps, a hissé l’hôtel au rang d’un cinq-étoiles pas comme les autres. Le genre de maison dont Catherine Deneuve, qui ne prise pas le bling-bling, disait qu’elle l’avait réconciliée avec Saint-Tropez. Une sorte de pension de famille de luxe qui, après avoir abrité les amours de Brigitte Bardot et Gunter Sachs, vit s’épanouir celles de Romy Schneider avec Daniel Biasini, dans une chambre dont la terrasse offre une vue unique sur le clocher de l’église.
L’esprit si particulier de l’endroit a été préservé par Nicolas Saltiel, le nouveau propriétaire. Aussi doué que discret, ce passionné d’hôtels au physique de cinéma sait qu’il joue gros avec La Ponche. La faute de goût n’est pas une option. Murs ivoire, boiseries sombres, meubles anciens, argenterie et porcelaine : la décoration chic et sobre, signée par Fabrizio Casiraghi, a un petit côté « Colombe d’or à la mer », comme il aime à le souligner en désignant une litho de Picasso. Les noms des clients fidèles, inscrits sur les portes des chambres, racontent une époque : Roger Vadim, Maurice Ronet, Guy Laroche… Lorsqu’on entre « chez » Françoise Sagan, l’émotion surgit à la vue du bureau sur lequel plane son meilleur souvenir. Au bar rétro et intimiste, les cocktails de Nicolas Dray déclinent l’histoire de La Ponche : on y sirote « La piscine de Romy Schneider » ou « L’écume des jours de Boris Vian ». Cerise sur le gâteau, Nicolas Saltiel a confié les fourneaux au jeune chef Thomas Danigo, qui réinterprète la fameuse soupe de poisson servie ici depuis des décennies. L’endroit est une réussite totale. Et c’est une belle histoire. « Ma maison est entre de bonnes mains, assure Simone. Nicolas est le fils que j’aurais aimé avoir si j’avais eu un enfant. Il est si délicat avec moi ! » On ne peut que le constater en visitant la chambre 21, tout juste inaugurée. Sur la porte, Nicolas a fait inscrire le nom de Simone Duckstein.
Hôtel de La Ponche, 5, rue des Remparts, Saint-Tropez. laponche.com. Festival Indie Fest : les 30-31 juillet et 6-7 août, à la citadelle de Saint-Tropez.